Courir. Encore et encore. Pour oublier. La vie n'était pas juste. La vie prenait tout, sans aucune mesure, et ne rendait jamais. Alaska en avait assez de subir les caprices du destin, assez de vivre dans la douleur. Là n'était pas sa place, pas plus que sur les Terres du Kô, ou à la tête des Shadows. Elle ne rêvait plus que d'une seule chose, quitter ce monde, et ne plus jamais y revenir. D'abord Sidka, puis Nebraska, et maintenant Kilio. Son petit Kilio, son bébé, héritier de la place d'Alpha. La guerre avait ravagé la louve de neige, mais elle avait essayé de se reconstruire tant bien que mal, comme après chaque chute. Maintes fois, elle était tombé, et maintes fois, elle s'était relevée, malgré la douleur, malgré la colère, elle n'était jamais resté à Terre. Mais désormais, elle n'attendait plus que ça. Tomber, pour ne plus se relever. Une haine sourde lui brûlait les veines. Une haine contre les Ancêtres, et contre Sharka. Parce que, comme si elle n'en avait déjà pas assez fait, il avait fallu qu'elle lui prenne encore autre chose. D'abord sa mère, ensuite sa Meute, et maintenant son fils. Pourquoi dont ? Parce qu'elle était sa demi-sœur ? Alaska ne l'avait jamais voulu. Parce qu'elle n'était pas du genre à sourire gaiement, et à accepter tout le monde comme amie ? C'était un choix. Un choix qu'elle avait dû faire, parce que la vie lui avait tout pris. Certes elle était froide, peu encline à la sympathie, et surtout féroce. Et alors ? Elle n'avait eu d'autre choix. Elle refusait tout compagnie, toute sympathie, toute pitié, parce qu'elle n'en voulait pas. Elle n'en avait pas besoin.

Elle en était donc là, à courir tant qu'elle pouvait, les larmes ruisselant sur son museau, ses yeux azurs ravagés par la tristesse. A bout de souffle, elle s'arrêta, haletante, détruite jusqu'au plus profond d'elle-même. Et comme un besoin vital, elle hurla. De toute ses forces. Un long hurlement, grave, chargé d'une tristesse sans fin. Qui le reconnaîtrait ? Les Shadows. Mais qui saurait le déchiffrer ? Whitefang. Il devinerait son état d'esprit, mais pas la raison. Et Alaska n'était pas capable de la lui apprendre. Elle n'avait rien fait, rien du tout.

En colère, la louve rétorqua :

"Tu as l'air de faire ta brute, mais pleurer n'est qu'un signe de faiblesse !"

Alaska fulminait. Etait-ce vraiment trop demander de faire son deuil en paix ? Cette louve devait être arrivé très récemment, sans quoi elle ne se serait jamais comporté de la sorte. L'Alpha des Shadows se sentait prête à tuer n'importe qui, à cette instant précis, tant la douleur était forte.

"Un loup digne de ce nom de s’abat jamais. Il marchent la tête haute... Les vraies personnes qui valent quelques choses, sont celle qui ont le courage de prendre la vie du bon côté. Alors, relève toi !!"

Alaska darda ses yeux azurs sur l'autre louve. Elle ne trouvait même pas de mot pour exprimer la haine qu'elle ressentait contre elle, à cet instant précis. Comment pouvait-elle juger, sans même savoir ? Sans même connaître le fin mot de l'histoire ? Au fond, elle jugeait sans savoir, aveugle. Comme Sharka. Comme tous ceux qui désignaient les Shadows comme des brutes. Comme tous ceux qui disaient qu'elle n'était qu'un monstre au cœur de pierre. Les oreilles plaquées sur le crâne, les crocs dévoilés, luisants, prêts à déchirer tout ce qui passerait, elle cracha :

- Comment peut-tu savoir ? Comment peux-tu juger ? Tu ne connais rien de moi, rien de mon Histoire ! Tu ne sais même pas qui je suis !

"Peut-être, mais je sais que tu n'est une personne courageuse."

- Tu juge le courage d'un loup sur son attitude lorsqu'il est en Deuil ? Alors tu es pitoyable !

Parce qu'elle versait des larmes pour la mort de son propre fils, héritier de la place d'Alpha, fierté de la louve et représentant de sa famille, elle n'était pas courageuse ? C'était totalement stupide. Absurde. Insupportable.
Soudain, la louve releva la tête, comme si elle avait eu un déclic. Avait-elle enfin comprit la raison de sa tristesse et de ses larmes ? Il en était temps ! Pourtant, la seule chose qu'elle demanda fut :

"De...De quelle meute est-tu ?"

Alaska releva la tête, la tristesse ayant été remplacée par une colère sourde et froide, contre cette louve qui troublait son deuil. Ses yeux bleus lançant des éclairs, elle se redressa, et déclara :

- Je suis Alaska, Alpha des la Meute des Shadows. Pour ta gouverne, sache que bien des loups me désignent comme étant sanguinaire, cruelle et sans pitié. Mon nom circule même dans les contrées les plus lointaines. Même les plus jeunes louveteaux savent qu'il ne faut pas me défier. Mais Toi, tu ne le sais pas, et ce sera sans doute la dernière erreur que tu aura eu l'occasion de faire.

Ambitieux, orgueilleux, mais vrai.

La louve se releva en toussant, furieuse, puis détala dans les fourrées, à une allure sidérante. Alaska ricana. Soit elle fuyait, et ce n'était qu'une lâche, mais une lâche intelligente, soit elle pensait la surprendre. Mais la louve de neige ne bougea pas, immobile, silencieuse, comme une statue de neige figée. Elle écoutait. Parce que, durant des années d'entraînements, elle s'était entraînée jour et nuit à se battre, mais aussi à capter le moindre signe. Comme celui qu'elle sentait autant qu'elle entendait. Un très léger frémissement, presque imperceptible, mais qui augmentait rapidement. Très rapidement. Cette louve été sans conteste l'un des loups les plus rapides de ces Terres, mais elle n'était pas assez maligne, pas assez douée pour espérer vaincre Alaska.

Se forçant à attendre le moment propice, Alaska ne bougea pas, tournant le dos à sa rivale, qui devait maintenant la voir, et croire que son plan avait réussi. Elle ne voulait pas se retourner en même temps, mais après, au moment parfait. Alors, même si tout la poussait à se retourner pour se défendre, elle ne bougea pas. Quand enfin, dans une fraction de seconde, elle entendit le bruit plus poussé de la louve prenant son appui pour bondir, elle se retourna violemment. La wind tenta de lui attraper la peau au niveau du dos, mais elle échoua, ne s'attendant pas à ce que la louve blanche se retourne. Cette dernière fut face à face à la Wind au moment ou celle-ci échouait dans son attaque, et poussa puissamment sur ses pattes arrières, aussi vive qu'un oiseau. Se jetant sur l'autre louve, elle lui mordit profondément le cou, faisant jaillir le sang, avant qu'elles ne roulent toutes deux dans la poussière. En moins d'une fraction de seconde, Alaska était déjà sur ses pattes, le poitrail et les pattes couvertes de sang, les crocs luisants, une lueur carnassière dans les yeux.

La Wind tenta vainement de blesser Alaska en la griffant, mais ses blessuresl'en empêchèrent.