Boom boom. Boom boom.
*- Dis moi plutôt le tien, que je me souvienne du premier avorton que j'ai tué ici.*
Boom boom. Boom boom ...
*- Sullen, je sais que tu fais ça pour mon bien. Mais il n'est pas question que je parte d'ici. Je défendrai mon territoire, quoi qu'il m'en coûte.*
Boom boom ... Boom boom ...
*- Tu me reverra, Sharka. Bientôt. Et je serais le dernier que tu verras.*
Boom .. boom ... Boom ..boom ...
*-- J'aimerais que tu m'écoute de temps en temps, Sullen ! *
... Boom .... boom .......... Boom .... boom ...

Cruelle vie, cruel kô, qui, grâce à toi, souffrait encore hier, et qui, par ta faute, succombera demain ? En ce monde, où nul ne connaît rien ailleurs, où nul ne savoure sa vie, tous mourrons un jour avec le coeur lourd de regret. Pourquoi joues-tu avec les autres comme tu jouerais avec des pierres ? Pourquoi les jettes-tu contre des murs où ils se briseront à tout jamais ? Et quand malgré tout tes efforts, un mince caillou survit encore, pourquoi t'acharner à le casser ?


Au bord du gouffre, le coeur battant, Sullen était immobile. Ses pattes agrippaient les minces herbes qui dépassaient au dessus du néant. Il se tenait, vaillant comme un aigle, penché dans le vide, inanimé. Ses yeux, clos une fois de plus, ne cherchaient plus qu'à mourir. Il en avait marre. Il n'avait plus à gagner à vivre. Juste de la souffrance. Encore et toujours. Pourquoi ? Lui-même n'en avait plus aucune idée. Au fond, ce n'était qu'un pion. Pas plus doué que les autres. Rien qu'un pion. Un cavalier à sacrifier. Mais qui était le roi ? Il n'en savait rien. Sa vie était finie. Il avait tout fait pour lutter, mais encore une fois, pourquoi ? Et surtout … Contre quoi ? S'il se battait contre une armée invisible, qui lui enserrait le cœur à chaque pas, qui lui tailladait l'estomac à chaque parole et qui lui lacérait le cerveau à chaque pensée … Pourquoi ?

Il s'assit doucement.
-* Tu ne peux pas ne serait-ce qu'envisager cette hypothèse. Tu n'en a pas le droit, tu m'entends ?*
Il avait tout essayé. Tout. Mais rien n'avait marché. Il fallait qu'il ouvre les yeux. Il ne servait plus à rien en ce monde. A quoi bon vivre si ce n'est pour être heureux ? Alors, au final, à quoi bon vivre si on a perdu toute chance d'être heureux ? C'était la principale question qui résonnait dans le crâne de Sullen. Il ne croyait plus à rien. Ni à la joie. Ni au rire. Ni au bonheur. Ni même … à l'amour. Cette chose si simple, et difficile à la fois. Si douce et si blessante en même temps. Si belle … et si … magique. Pur conte de fée. Rien ne serait jamais si beau. Rien ne serait jamais si doux. Rien ne serait jamais si … magique. Car ce monde dans lequel ils vivaient tous était voué à la misère.

Un pas. Puis un second. Lentement, il recula. Il mourrait la tête haute. Pas comme un vulgaire vagabond. En temps que loup de sa meute. Fier. Agile. Fire. Il allait sauter. Les yeux ouverts. Le cœur battant. Affrontant les ténèbres. Affrontant sa haine. Il serait grand. Même mort, il serait grand. … Tel son frère.

Alors, seulement, il hurla. Il hurla sa colère à la lune, hautement placée. Il hurla toute cette détresse qui le piégeait depuis tant d'années. Il hurla comme jamais il avait hurlé, d'une mélodie grave, lourde, coléreuse. Il libéra sa haine. Il rendait au kô ce que le kô lui avait donné. Sa tristesse. Sa rancoeur. Son âme. Sa vie.

Pendant de longues minutes, il cracha au ciel étoilé. Puis, lentement, il se tu. Son hurlement résonna quelques instants dans les cavités proches, avant de retomber peu à peu, dans une vibration étourdissante. Et le silence se refit. Un silence de mort.

Alors, il bondit au cœur du néant.

Seule dans la pénombre, Jenny observait les seules sources de lumière présente à cette heure si tardive. Sa fourrure, caressée et ornée de toute part par les fleurs et les quelques fines herbes dépassant de la mousse où elle s’était assoupie il y a quelques heures, était humidifiée par la fraicheur de la nuit. Jenny aimait particulièrement dormir dehors, lors des premiers jours d’automne. Elle adorait, durant les douces et fraiches premières nuits d’automnes, s’étendre sur la mousse tendre et humide. Elle adorait, une fois allongée au sol, rouler lentement sur son dos, les quatre pattes en l’air, et diriger son doux regard vers le ciel étoilé. Ce superbe tableau fascinait depuis toujours la jeune louve au pelage brun. Son regard était comme aveuglé, par tant de beauté. Et cette beauté, qui plus est, faisait la force, de la jeune Jenny. Le ciel, l’espace, tout ce qui se trouvait aux alentours de sa planète, Jenny avait la capacité de l’étudier, puis de l’utiliser. Sa force, Jenny la puisait dans ces ressources qui l’émerveillaient tant. Son propre pouvoir la fascinait.

Jenny était donc, pour la première nuit de cette saison, dans cette position. La rosée du matin commença à se former un peu plus tôt que prévu, dut à la grande humidité de l’air. Les perles aqueuses s’agrippaient au pelage de la belle, ce qui avait pour effet d’humidifier son corps tout entier. Le doux regard de la louve se baladait tranquillement d’étoile en étoile, de planète en planète. Le spectacle que contemplait Jenny était à couper le souffle, elle savait bien, que les premières nuits d’automne étaient les plus merveilleuses. Un ballais magnifique se déroulait devant ses yeux, des centaines d’étoiles filantes fusaient de toutes parts, donnant au ciel une lueur cosmique venue d’ailleurs. Alors que Jenny était en totale admiration devant ce spectacle somptueux, un hurlement déchira le silence paisible de la nuit.

Un hurlement tragique, un hurlement douloureux, un hurlement funeste.

La belle releva la tête, scrutant l’horizon, elle tendit l’oreille. Rien. Le silence qui venait de s’installer n’était plus le même, c’était un silence pesant, un silence de mort. Très rapidement, Jenny comprit que quelque chose de terrible était en train de se passer quelque part sur les terres du Kô. Par réflexe, elle tourna sa fine gueule de tous les cotés, cherchant du regard la source de ce hurlement. Elle savait pourtant bien que cela était en vain. Alors, comme poussée par une force inconnue, elle se leva rapidement, et entama une course effrénée à travers les bois. Elle allait vite, très vite. Les arbres défilaient chacun les uns plus vite que les autres, la forêt, qui lui semblait autrefois si majestueuse et calme, lui semblait désormais sinistre et lugubre. La tension était palpable dans l’atmosphère, qu’était il arrivé de si terrible ?! Sautant par-dessus les troncs d’arbres, évitant chacun des obstacles, Jenny ne tarda pas à arriver au pied d’un lieu très connu des Fires, l’Arbre géant. D’ici, elle avait une vision dégagée du ciel, alors elle interrogea les étoiles. En l’espace d’une demi seconde, un flash venait d’apparaitre dans son esprit, lui montrant toute la scène. Alors, dans un grondement de panique, la belle s’élança vers le gouffre sans fond. Elle ne tarda pas à arriver au lieu du drame, le loup qu’elle avait vu dans sa « vision », n’était plus là. Immédiatement, elle pensa à sa chute. Alors, sans réfléchir l’espace d’un instant, elle bondit dans l’immensité noire. Une chute interdite, dite sans retour, mais une chute pour sauver une vie. Elle ne rattraperait jamais le loup en chutant ainsi. Alors, elle eut l’idée d’user de son pouvoir. Elle ferma les yeux un moment, concentrant son esprit au maximum. Elle appelait à l’aide les étoiles. Soudain, son regard devant luisant, et un instant après on put voir une étoile filante arriver à sa hauteur. Celle-ci se plaça sous la louve brune, freinant sa chute. Puis une seconde étoile filante, un peu plus grande cette fois-ci, passa rapidement devant Jenny. Elle allait chercher le loup en question. La trainée lumineuse que laissait l’étoile ne tarda pas à s’estomper dans la pénombre, alors Jenny, en lévitation sur son étoile filante, espéra de tout son cœur. Pourvu qu’elle soit assez rapide, pourvu que ce ravin soit aussi profond que le dise la légende..

Et en effet, elle fut assez rapide. Soudainement, sans aucune raison apparente, l’étoile filante de Jenny se mit à remonter. Elle déposa la louve au sommet du ravin sans fond. La louve scruta le trou béant, espérant de tout son cœur. Et la trainée dorée ne tarda pas à faire son apparition. Elle « portait » le loup de la vision de Jenny. La louve poussa un soupir de soulagement, remerciant ses amies les étoiles de son regard doré. Les étoiles se retirèrent, laissant la louve brune seule, avec l’inconscient. Jenny s’approcha lentement et s’assit devant le loup. Elle reconnut alors, à son grand étonnement, Sullen, le protecteur de son Alpha. Celui-ci était connu dans la meute entière pour son dévouement extrême à la chef de meute. J’espère qu’il n’est pas blessé..

Timidement, Jenny avança son museau, et poussa doucement celui de Sullen. Celui-ci, encore dans les vapes, bougea légèrement. Lorsqu’il entrouvrit péniblement les yeux, Jenny put apercevoir son regard. Un regard morne, terne, un regard sans vie.

Il aurait voulu..

Jenny ne savait quoi dire. Elle savait que sa pensée était juste, mais pourquoi ? Elle ne pouvait pas le lui demander… Elle se contenta alors de fixer le beau loup brun de son regard doux, espérant qu’il se confierait à elle.

Le vent lui giflait les yeux, si bien qu'il devient aveugle. Il ne voyait plus que du noir, et bientôt, il se demanda si sa chute était finie ou non. Etait-il mort, ou tombait-il encore ? Avait-il déjà rencontrer le sol de pierre, sans même s'en être rendu compte ? Pourtant, il entendait encore le clapotis de l'eau qui coulait, peu à peu, un peu plus bas dans le gouffre. Il sentait encore l'odeur de la roche, dure et froide, qui l'enfermait pour l'éternité. Et surtout, il ressentait les lames de vent qui lui coupait les poils, qui lui tailladait les pattes, qui lui arrachait le museau.
Etait-il mort ?

Peu à peu, il sombra. Alors, il allait vraiment disparaître ? Pourtant … Il … n'arrivait pas à être déçu de mourir. Non. Au contraire. La torture prendrait fin. Peut-être, après tout, parmi les ancêtres, il trouverai sa place ? Peut-être trouverait-il même son frère ? Peut-être qu'une fois là-haut, il serait … heureux ?
Alors, il ne regrettait rien et il tombait encore, inconscient.
*Grand frère … J'arrive.*

*Boom boom.
Boom boom.
Suis-je vivant ? Comment ? POURQUOI ? NON NON NON NOOON JE NE VEUX PAS !! LAISSEZ MOI PARTIR BON SANG !*

Lentement, il ouvrit les yeux. Il était … étendu. A même le sol. Dans l'herbe boueuse de la nuit. Au dessus de lui, les étoiles brillaient. Alors, il refermait les yeux.

*Je veux mourir.*

Il rouvrit lentement un œil. Non. Il n'était pas mort. Pourquoi ?!
Le doux contact d'un museau le ramena un peu plus à lui. On l'avait sauvé. Qui était cette personne pour osé maintenir en vie une personne déjà morte ! L'oeil vide de Sullen se tourna vers l'odieux loup qui l'avait sauvé … et qui était en faite une … une louve. Son pelage noir de jais luisait étonnement dans la pénombre. Sullen sentit son cœur se torde, et immédiatement, toute colère le quitta. La louve, au regard sublime, le fixait. Elle semblait inquiète.

Le corps tout entier du jeune loup le lançait, et il ne réussit pas à ouvrir la gueule pour demander quoi que ce fût à la belle inconnue. Une grimace de douleur vint peupler son museau, et pour la première fois de sa vie, il se sentit … étrange. Etrangement léger.

Dans un ultime effort, il réussit à grimper sur ses pattes, chancelant. Sa tête le tournait affreusement, et même la lumière de la lune lui était insupportable, éveillant une douleur puissante qui le fit gémir de douleur, avant de tomber sur le flanc une fois de plus. Il tenta encore une fois de se relever mais ne réussit qu'à retomber un peu plus dans la boue. Se maudissant lui-même de ne pas être capable de rebondir dans le trou, il ferma les yeux et attendit que la douleur s'estompe.

Lorsque les yeux du loup brun s’ouvrirent, ils toisèrent un instant Jenny. Celle-ci, surprise, eut un petit soubresaut et, ses jolis yeux bruns écarquillés, recula d’un pas. Mais soudainement, le loup changea de regard, celui-ci, autrefois haineux et rancunier, devint un regard surpris. Il semblait étonné, et à la fois fasciné. Jenny observait le loup, il semblait vouloir s’exprimer. Sa gueule, tremblante, luttait contre la faiblesse des muscles de sa mâchoire, mais rien n’y fit. Aucun son ne sortit de sa gueule. Ses babines s’étirèrent soudainement en un rictus douloureux, il semblait souffrir. La jeune louve au pelage brun observait le protecteur d’un regard plein de compassion, elle avait peine pour lui. Comment pouvait-il avoir pensé à la mort ? ..

Dans un ultime effort, le loup réussit à grimper sur ses pattes, chancelant. Les oreilles de Jenny se dressèrent d’étonnement, il ne devait pas bouger ! Il n’était pas prêt ! Dans un gémissement de douleur, le loup en question tomba de nouveau sur le flanc.
Jenny s’approcha rapidement.

- Arrête ! Tu ne devrais pas bouger...

Son ton était inquiet, presque suppliant. Mais rien n’y fit, le loup essaya de nouveau de se lever, et tomba une fois de plus dans la boue. Ses yeux se plissèrent de douleur. Jenny était perdue. Elle ne savait pas quoi faire pour aider le protecteur. La jeune louve fixait le pauvre loup, de ses yeux emplis de tristesse. Elle baissa son regard vers le sol, que pouvait-elle faire.. Lorsqu’elle releva son regard vers le loup gisant à terre, elle aperçut une plaie sur sa cuisse, alors le déclic se fit, elle devait panser et soigner ses plaies. Son regard se transforma en un regard déterminé, elle savait ce qu’il lui restait à faire. Elle s’éloigna doucement du loup, et se mit à marcher à pas lents.

Des toiles, du miel, des toiles, du miel, des feuilles…

Ses traits s’illuminèrent lorsqu’elle se rappela avoir vu, ce matin, de bonne heure, une ruche d’abeilles sur une branche plutôt basse de l’arbre géant. Sans attendre, elle se mit à courir à travers la forêt. Sa vitesse poussée à son apogée, elle ne tarda pas à atteindre son but. La banche devait tout de même être assez haute, et il restait le problème des abeilles. Ces insectes n’étaient pas de nature agressive, mais quiconque toucherait à leur ruche aurait de graves ennuis. Or, c’est ce que Jenny s’apprêtait à faire. N’ayant pas le temps de chercher de l’Eucalyptus pour faire fuir les abeilles, Jenny pensa que la rapidité serait sa seule chance.

Alors elle s’approcha de l’arbre et bondit en l’air, lorsque sa gueule fut à hauteur de la ruche, elle ouvrit sa mâchoire et y planta ses crocs. Une fois ceci fait, Jenny se mit à courir à vive allure, alors les abeilles commencèrent à sortir de la ruche pour la piquer. Bien heureusement, Jenny avait prit la précaution de se rouler dans la boue avant d’aller chercher la ruche, les dars des abeilles vinrent donc se loger dans la cuirasse de boue séchée. Mais celle-ci ne mit pas longtemps avant de se fissurer, laissant ainsi des parties non protégées du corps de Jenny. Malheureusement, les abeilles le repérèrent rapidement, et commencèrent à attaquer la peau de la pauvre louve brune. Celle-ci avait, par chance, déjà parcouru une bonne partie du chemin, et était arrivée au ravin sans fond. On put la voir sortir de la forêt, des abeilles volant autour d’elle. Jenny déposa la ruche à terre, avant de se mettre à courir vers le point d’eau le plus proche. Elle y plongea, ce qui dissuada les abeilles de la suivre. Lorsqu’elle sorti de l’eau, la forêt, si elle avait eut des yeux pour voir ceci, aurait été horrifiée. Son corps était meurtri par une quinzaine de piqures, que l’on pouvait distinguer à travers son pelage. Le poison des abeilles commençant à faire effet, Jenny commença à être prise de vertiges, mais elle ne devait pas s’évanouir, pas maintenant.

Je dois.. Retourner au ravin..

Alors, dans un élan de courage, elle se releva, et reprit son chemin. Sur sa route, elle croisa des multitudes de toiles d’araignées, luisant grâce à l’humidité de l’air, elle entreprit alors d’en récolter la soie grâce à un morceau de bois sur lequel elle enroulait la toile. Une fois qu’elle jugea avoir récolté assez de soie, elle accéléra, non sans peine, sa course. Lorsqu’elle arriva au ravin sans fond, son souffle se coupa. Elle avait fait bien trop d’effort, et le poison se répandait dans ses veines, ralentissant ses mouvements, et sa respiration. Le venin des abeilles n’était pas mortel, mais en forte dose, il pouvait plonger un animal dans un état de léthargie, une sorte de coma pouvant durer de 2 à 7 jours. Cet état pouvait être évité si le poison était retiré de la circulation du sang, chose difficile, voir impossible à faire pour un animal. Jenny avança péniblement vers le loup étendu au sol. Celui-ci avait les yeux fermés, mais elle lui parla tout de même, comme si il pouvait l’entendre.

- Ça risque de piquer un peu..

La louve brune saisit alors la ruche à plein crocs et la pencha au dessus des plaies du loup, le miel vint s’y loger, formant une couche gluante sur la blessure. Jenny avait apprit, auprès de la vénérable, que le miel était un puissant désinfectant, et qu’il aidait énormément à la cicatrisation des plaies, même les plus graves. Une fois ceci fait, elle saisit le morceau de bois sur lequel se trouvait les toiles d’araignées enroulées et, du bout d’un de ses crocs, entreprit de déposer un peu de soie sur le miel déjà presque sec. Elle venait ainsi de créer un bandage qui permettrait de désinfecter la plaie tout en la gardant à l’abri des bactéries externes.

Jenny sourit soudainement en observant le loup brun, elle espérait que cela l’aiderait à aller mieux. La louve brune eut soudainement très chaud, alors elle se dirigea vers le ravin, en espérant se refroidir sur la roche fraiche présente devant celui-ci. Elle tituba et parvint à s’écrouler sur un rocher frais, d’où elle pouvait voir le loup. Elle se mit à le contempler, se demandant bien ce qui avait pu le peiner autant, pour en venir à… Les pensées de Jenny furent interrompues par une violente quinte de toux, la sienne. Son corps ne semblait pas du tout apprécier le venin des abeilles. Alors ses yeux se fermèrent, et elle sombra dans l’inconscience.

Les pupilles dilatées, les yeux écarquillés, Jenny sombrait dans une vision noire et obscure, sans aucune lumière. Tout autour d’elle n’était qu’ombre et trouble, tout autour d’elle n’était que perte, tout autour d’elle n’était que glace, tout autour d’elle n’était que mort. Dans la pénombre totale de son cauchemar, vint apparaitre une forme. Les contours de celle-ci se firent plus nets, et l’on put reconnaitre un regard. Un regard terne, un regard sans vie. Jenny reconnut avec détresse celui de Sullen. Il avait besoin de son aide, elle devait l’aider. Alors les yeux de la belle se rouvrirent d’un coup sec, elle se releva, non sans peine, et se dirigea vers le loup, toujours étendu au sol. Alors qu’elle était parvenue jusqu’à lui, une douleur vive à la poitrine la fit se plier en deux. Elle s’étala sur le sol, son corps contre celui de l’autre loup. Elle espérait tout de même que la chaleur de son corps pourrait aider Sullen à guérir. Son souffle se faisait sifflant, le poison la faisait souffrir. Non, il n’était pas mortel, mais oui, elle souffrait. Alors elle releva son regard vers le ciel étoilé, comme pour l’implorer de l’aider.

Contre elle, le loup respirait difficilement, et alors qu'elle était en train de se retourner pour vérifier son état, une puissante douleur lui étreignit le poitrail. La douleur fut si vive qu'elle en perdit conscience, roulant doucement sur le flanc, avant de s'immobiliser pour de bon.

La douleur était si forte, que la moindre respiration le faisait tréssaillir. Il allait encore une fois tenter de se relever, quand il ne sentit plus Son odeur. Alors comme ça, la belle inconnue avait tout simplement ... Décampé ? Il retomba mollement sur le sol, sans plus se préoccuper de la douleur. Il était de nouveau seul. Et l'envie d'en finir lui étreignit de nouveau l'estomac.
Les secondes s'égrainèrent, puis les minutes. Le pauvre protecteur avait de plus en plus chaud, et la fraîcheur du gouffre lui manquait horriblement. Si ... Si la louve n'était pas venue ... S'il s'était réellement anéanti en terminant sa chute ... Peut-être qu'à cette heure ... Il serait avec Kaö. Entrain de se chamailler, peut-être aussi. A rire, à enfin pouvoir sourire. A enfin être ... Heureux.

Soudain, Elle réapparut. Certes, poursuivie par le premier bataillon d'une armée d'abeille ... Mais elle était revenue. Etrangement, un lourd poids qui pesait sur son coeur depuis son départ s'effaça. Alors, comme ça, elle était là ... Il ne pût retenir un long soupir de bonheur. Mais. Au fond. Pourquoi était-il heureux ? Ce n'était qu'une louve ! Belle, charmante, il fallait bien l'avouer, mais une louve !
Après de longue minutes, Sullen réussit à ouvrir un oeil. Elle était là, chancelante. Il pouvait humer sa délicieuse odeur. Elle était près de lui.

- Ça risque de piquer un peu..

En effet, une fulgurante douleur éteignit rapidement toutes les autres, et il se retrouva à se tortiller de douleur, se mordant les babines pour s'empêcher d'hurler. Il avait le souffle court, et il n'eut même pas la force de se retourner pour voir ce qu'elle fit. Tout son corps se contracta, lui faisant un peu plus monter les larmes aux yeux. Bientôt, la douleur s'estompa un peu ... et à ses cotés, la jeune louve s'écroula. Sullen glapit de douleur, au contact de son corps frêle, mais ne dit mot. Il se sentait ... gêné. Mais si bien en même temps.
Secouant la tête, il se dégagea à contre-coeur, et, après maintes tentatives, réussit à se mettre debout. Ses pattes tremblaient atrocement, il ne réussit pas à faire un pas avant de s'écrouler de nouveau, presque sur la louve. Son museau était à quelques centimètres du front de la belle ... Et il pouvait sentir la chaleur de son corps. Il écarquilla les yeux. Elle était fièvreuse.
Levant la tête, il observa une seconde une étoile filante, puis, prenant son souffle, il se coucha le long de la belle.

-Tenez bon.

Il se faufila sous le corps de la jeune, murmurant maintes injures envers sa douleur, avant de doucement, très doucement, se relever. Ainsi positionnée, la louve, couchée sur le dos de Sullen, avait tout le poids de son corps sur le protecteur, qui tremblait comme une feuille. Ses pattes menaçaient de céder à tout instant, et, faisant une pause à chaque pas, il soupesait lentement son poids pour soulager ses pattes. Après de longues, très longues minutes de souffrance, les deux canidés arrivèrent enfin près de l'eau. La belle inconnue encore sur son dos, il s'enfonça entièrement dans l'eau, la déposant sur la rive, laissant la moitié de son corps immergé. Il revint ensuite à sa hauteur, et, jugeant ses piqures, il se mit à toutes les lécher soigneusement, pour les désinfecter. Pour être sûr qu'elle ne coule pas, il se passa sous une des pattes de la belle, ainsi collé à son corps, pour lui éviter la totale hypothermie.

Le poison avait fait son effet, il devait désormais avoir atteint le cœur, se propageant désormais dans tout le système sanguin de la belle. Jenny commençait d'ailleurs à en sentir les effets, elle avait perdu connaissance, et était maintenant, dans son inconscience, en train de délirer. Elle ne savait plus si c'était une illusion, ou bien la réalité. Elle ne savait plus si c'était là une hallucination due au poison des abeilles, ou si elle était réellement en train de mourir. Se perdait-elle, ou bien était-elle seulement en train de vivre un cauchemar sur-réaliste ? Tout autour d'elle n'était qu'obscurité, tout autour d'elle n'était que froideur et rudesse, aucune délivrance à toute cette souffrance, rien, pas l'ombre d'un espoir, pas l'ombre d'une chance que l'on la sauve de cet enfer. Elle savait pourtant bien de quoi était capable le venin de ces abeilles, elle savait les propriétés hallucinogènes qu'il avait, et pourtant, Jenny était en train de foncer la tête la première vers cette illusion. Elle tombait en chute libre, sans chercher à remonter la pente, dans ce cauchemar affreux. Mais bientôt, une lueur vint éclairer son museau. Une lueur d'abord faible, puis moyenne, et ensuite une lueur vive. On aurait pût croire à la lueur du paradis, alors Jenny aurait pût croire à sa mort, elle aurait pût comprendre que ce n'était pas une hallucination, elle aurait pût comprendre qu'elle était en train de se perdre, en train de mourir. Mais un son, une voix vint l'interpeller. A l'instant même où ce son atteignit l'oreille de la louve, l'illusion fut dissipée. Cette sonorité, grave et rassurante, n'était autre que la voix du protecteur. Lorsque les mots entrèrent dans les deux tympans de la belle, la lueur devint une explosion lumineuse. Ce n'était plus la lueur faible et douce que l'on aurait pût confondre avec celle du paradis, non, c'était une explosion lumineuse, l'explosion lumineuse de l'espoir.

-Tenez bon.

Alors Jenny, à demi consciente désormais, se sentit soulevée. En cet instant, la louve brune voulut bouger, elle aurait voulut être capable de se remettre sur ses propres pattes, de marcher seule, sans avoir à encombrer le loup. Elle avait voulut l'aider, et maintenant, elle se retrouvait à être son fardeau, son poids à supporter. Dans son inconscience, la belle pouvait sentir chacun des pas du protecteur. Elle pouvait sentir le douloureux effort qu'il devait fournir pour soulever son corps, à chaque pas supplémentaire. Elle aurait voulut lui dire de la laisser là, elle aurait voulut lui dire qu'elle pouvait se débrouiller seule, qu'elle ne voulait pas le déranger, et encore moins lui faire faire des efforts inutiles. Mais elle n'avait plus de forces, pas même la force d'articuler ne serait-ce qu'un seul petit mot. Soudainement, elle sentit de nouveau le sol frais sous son corps, et une autre sensation.. De l'eau, elle était à demi immergée dans de l'eau. Jenny comprit alors, il l'avait portée jusqu'à la rivière où elle avait sauté pour échapper aux abeilles. Alors qu'elle rassemblait tout son courage et les quelques forces qu'il lui restait afin de se relever, Jenny sentit quelque chose se glisser sous l'une de ses pattes immergée. Mais elle n'était pas au bout de ses surprises. L'instant d'après, elle put sentir que quelqu'un lui léchait le poil. Lorsqu'elle se concentra d'avantage, elle put reconnaitre que les endroits où l'on la léchait, étaient les emplacements de ses piqures. Alors, surprise, Jenny ouvrit brutalement de grands yeux bruns étonnés. Lorsqu'elle reconnut, après être restée un instant hébétée, Sullen, elle fut frappée par une commotion galvanique. Son joli museau brun devint tout d'un coup rougeâtre, elle rougissait affreusement. Elle n'eut pas le temps de s'émerveiller d'avantage sur la gentillesse de son geste, car déjà son cœur recommençait à avoir des spasmes.

Le poison avait été retiré de son organisme, elle ne courrait donc plus de danger, mais son cœur subissait encore les effets du venin. Soudainement, les yeux de Jenny s'écarquillèrent brutalement, et de sa gueule jaillis un liquide rougeâtre. Elle venait de cracher du sang. Son cœur, visiblement, mettait tout en œuvre pour expulser le poison restant hors de l'organisme de la louve. Soudainement, la louve eut une puissante douleur au cœur, qui la fit se tordre en deux. Ses yeux plissés pour tenter d'oublier la douleur, Jenny s'affaissa sur elle-même dans une quinte de toux violente, expulsant un peu plus de sang contaminé par le poison. Lorsque tout fut terminé, la pauvre louve ne bougea plus.

A la mort de sa mère, Jenny s'était jurée de devenir forte et robuste, pour ne plus jamais avoir à se sentir faible. Or, en cet instant, c'était ce qu'elle était. Elle n'avait jamais été plus faible que maintenant, jamais. Honteuse, la louve au pelage brun n'osait plus bouger. Elle était là, inerte, étendue sur le sol, du sang plein la gueule. Elle aurait voulu disparaître, tant elle avait honte de sa faiblesse, tant elle avait honte de l'état pitoyable dans lequel elle était. Terrorisée par ce que pouvait penser d'elle le protecteur, Jenny n'osait pas rouvrir les yeux. Mais tout à coup, une douce lueur attira son attention. Elle avait les paupières closes, d'où pouvait bien provenir cette lueur ? Eh bien la lumière passait tout simplement à travers ses paupières. Cette lueur, c'était une petite luciole qui la dégageait. Jenny ouvrit délicatement ses yeux bruns, et observa la luciole, comme fascinée par celle-ci. Le petit insecte lumineux lui faisait penser à une étoile. Lorsque la luciole s'envola, celle-ci commença à léviter au dessus du museau de la louve brune, l'incitant à se lever. Alors rassemblant ses forces et son courage, Jenny prit appuie sur l'une de ses pattes, et exerça une pression sur celle-ci. Difficilement, elle se leva, et réussit à tenir sur ses pattes. Son premier réflexe, une fois debout, fut de laper l'eau de la rivière de sa langue afin de rincer sa gueule du sang qu'elle contenait. Une fois son apparence normale retrouvée, Jenny se retourna timidement et, baissant son joli museau rouge, déclara d'une voix timide :

- Merci beaucoup..

Le museau toujours baissé, la louve releva son regard brun vers le protecteur et se mit à le contempler timidement.

La belle inconnue, ainsi couchée, ouvrit un oeil inquiet, puis, rougissant, elle détourna le regard. Soudain, une violente convulsion la traversa, faisant sursauter le protecteur. De sa gueule s'échappa une gorgée de sang. Sullen écarquilla les yeux, avant de regarder autour de lui, tel un idiot. Bien évidemment, personne. Doucement, tout doucement, il lui poussa le museau, inquiet. La louve se tordit un peu plus, dans une folle quinte de toux. Sullen se leva rapidement. Il resta là, incapabale de plus bouger, réfléchissant à tout allure. Qu'est-ce qui pouvait provoquer cela ... Une plaie grave. A écarter. Ou bien ... Les piqures. Les yeux du protecteur se posèrent sur le corps meurtri de la louve. Il revint rapidement sous elle, la maintenant dans l'eau, s'efforcant de ne pas glisser au fond de celle-ci. Il s'allongea délicatement contre la louve, la protégeant du vent naissant. Le froid envahissait peu à peu l'atmosphère, et la rosée annonçait la venue rapide du petit matin. Les dernières obscurités de la nuit révelèrent à la louve une jeune luciole, petite étoile vivante, qui voletait autour de la rivière. Ce petit insecte sembla donner de la force à la louve, et bientôt elle grimpa sur ses pattes, pour boire une gorgée d'eau.
D'une voix timide, elle déclara :

- Merci beaucoup..

Sullen détourna les yeux, se remettant debout.

- Ce n'est rien.

Il resta là, debout, sans rien faire, attendant une réaction de la louve. Après quelques instant, il regarda de nouveau la louve, soupesant son pelage de jais à la recherche de la moindre plaie. Pourvu qu'elle aille bien.
Rumuant le museau négativement, il grogna contre lui-même à cette pensée. Qu'est-ce qu'il lui prenait ! Ce n'était qu'une louve de sa meute. Rien qu'une louve.

Le Silence s'était de nouveau installé, lui aussi était pesant, et pourtant ce n'était pas un silence de mort. Non, c'était un silence de.. Timidité ? Du moins, c'était la cause du silence de Jenny. L'aube commençait à s'installer, tintant le ciel d'une lueur violette. La forêt était magnifique, sous cet éclairage, et le ciel était d'un romantisme sans pareil. Les premiers rayons de soleil traversèrent bientôt le feuillage des arbres, donnant un aspect superbe aux territoires des Fires. Quelques rayons solaires se frayèrent un passage à travers les nombreuses branches d'arbre, à l'endroit où se trouvaient les deux loups. Ces rayons, on ne saura jamais si c'était une volonté céleste ou un simple hasard, vinrent éclairer les doux traits de la Guerrière. Son pelage, autrefois sombre de part la faible luminosité de l'endroit, s'éclaira de superbes lueurs brunes, et l'on put enfin en voir les véritables teintes. Relevant son joli museau vers le ciel, les rayons lumineux vinrent également éclairer son doux regard. On n'avait jamais aussi bien vu la magnificence de celui-ci, les teintes brunes de ses yeux ressortaient superbement grâce à la lumière du soleil. Elle était magnifique, sous les rayons naissants du matin. Une douce brise matinale vint lui agiter le poil, sa fourrure était si superbe que l'on n'apercevait même plus les piqures des abeilles. Alors la louve brune baissa son doux regard vers le protecteur, repensant à cette nuit. Elle jugea qu'il était encore bien trop tôt pour qu'elle puisse lui demander ce qui n'allait pas, alors elle se mit en tête de faire connaissance, avec ce beau loup brun si particulier. Le museau rouge, elle plongea son regard brun dans celui du protecteur, et lui dit avec timidité.

- Tu es Sullen, n'est-ce pas ? Le Protecteur de notre Alpha. Je m'appelle Jenny, enchantée de te connaitre.

Et timidement, elle se mit à rire. Un rire charmant, cristalin. Elle n'avait jamais rit comme cela auparavant, à vrai dire, elle n'avait jamais été aussi bien, auparavant. Elle se calma, puis déclara en souriant, d'un ton amusé :

- On a eu une rencontre particulière, il faut dire !

Elle eut un petit éclat de rire, mais qu'est-ce qu'il lui prenait, elle n'était pas comme ça, habituellement. Depuis la mort de sa famille, elle ne souriait plus, ne riait plus, n'avait plus gout à la vie. Or, son rire et ses sourires étaient naturels, ils n'étaient pas forcés. Jenny n'eut pas le temps de s'émerveiller un peu plus sur le bien-être qu'elle éprouvait en la compagnie du protecteur, ils devaient rentrer, car la chasse du matin ne tarderait pas à commencer. Alors, commençant à marcher en direction du camp, elle s'arrêta un instant, tourna la tête en arrière et, d'un ton amusé, déclara à Sullen :

- Es-tu rapide ?

Puis, ne lui laissant pas le temps de répondre, elle ajouta, un large sourire étirant ses babines :

- On va voir ça tout de suite !

Alors Jenny banda ses muscles au maximum, et les relâcha rapidement, partant ainsi comme une flèche. Elle courrait vite, très vite, mais s'attendait à avoir des surprises avec le beau protecteur. Tout en courrant, elle faisait attention aux odeurs qui l'entouraient, attendant avec impatience de sentir l'odeur du loup. Elle se sentait bien avec lui, et il lui tardait qu'il la rejoigne.

Le soleil se levait peu à peu, redonnant vie au territoire des Fires. De minces rayons vinrent éclairer l'eau de la rivière, affinant la mince écume, et faisant flamboyer les quelques poissons. Les quelques arbres se vêtirent rapidement d'un feuillage aux couleurs vives, éclatantes, et la nature se remit bientôt à sourire. Tout les végétaux tendaient leurs bras en bois vers le ciel, mâchant chaque lumière, chaque chaleur, avec une attention toute particulière. Le premier oiseau se mit à siffler doucement, réveillant la faune avec envie. C'était un moment si particulier, si ... magique, que partageaient les deux loups.
Impassible, le regard vide de Sullen fixait le ciel. Soudain, se rendant compte de se compagnie, son regard tomba sur la louve. Son regard était dirigée vers la fine couleur violacée des nuages de l'aube. Chaque parcelle de son pelage semblait illuminé d'une douce et brune couleur. Ses yeux, auparavant si noirs, s'étaient accomodés de la chaleurs, et brillaient d'une lueur étrange. Détournant rapidement le regard, à contre-coeur, il se sentit gêné de constater la beauté de l'inconnue.

- Tu es Sullen, n'est-ce pas ? Le Protecteur de notre Alpha. Je m'appelle Jenny, enchantée de te connaitre.

Celui-ci tourna la tête vers la voix sublime, qui sonnait, cristaline, dans l'air. Il restait impassible, comme toujours, son regard n'indiquant rien de sa gêne.

-Enchanté à mon tour.

Le rire de la belle, tel le chant d'un oiseau, s'éleva doucement, timidement. La joie se lisait sur son visage. Son sourire était vrai, tout comme son rire.

- On a eu une rencontre particulière, il faut dire !

Détournant les yeux, le protecteur ne dit mot. Non pas qu'il ne fut vexé, mais qu'il n'avait surtout pas envie de s'étaler sur le sujet. Comme pour l'exiter un peu, Jenny lui demanda :

- Es-tu rapide ?

Rapide. Non. Il était plus que ça. Et c'est pour ça qu'il avait été choisi.

- On va voir ça tout de suite !

Son large sourire s'échappa rapidement, car d'un bond, elle se propulsa en avant, pour disparaître derrière les arbres. Ne perdant pas une miette de son poil, il mit quelques temps avant de se rendre compte du défi. Il sourit franchement à cette invitation, avant de partir à la poursuite de la belle.

Plus vite. Toujours. Encore. Les arbres défilent. Tentent de l'atteindre. Mais lui, il ne s'arrête pas. Il vire de droite. De gauche, dans un slaloom infini. Rien que pour suivrent la belle. Son coeur s'accélèrent. Il court encore plus rapidement. Ses pattes bougent seules. Il ne contrôle plus que l'envie de courir. Son instinct fait le reste. En moins d'une minutes, il ralentit. Il est déjà prêt de sa louve. Il galope à ses côtés. Il ralentit encore, passant devant elle. Il accélère pour mettre de la distance entre eux. Puis il ralentit de nouveau. Comme un louveteau. Puis il se place derrière elle. Il lui bondit dessus. Il roule avec elle dans une bataille infinie. Il ne rit pas. Il ne sourit pas. Mais son regard, lui, est changé. Changé à jamais.

Lancée dans une course folle, faisant attention aux odeurs apportées par la moindre petite brise, Jenny fut surprise de voir d'un seul coup, son beau loup débouler devant elle, et accélérer sans aucune soucis. Il veut jouer à ça ! pensa-t-elle. Alors elle accéléra, il avait une bonne endurance, c'était vrai, mais courir, c'était toute sa vie, elle n'allait pas se laisser faire. Un large sourire étirant ses babines, Jenny accéléra malicieusement, lui passant devant. Elle sauta par dessus un tronc d'arbre qui lui gênait le passage, et découvrit avec surprise que le beau loup l'avait encore dépassée. Il était doué, elle devait le reconnaitre. Mais elle n'était pas vexée qu'il la double, ce petit jeux lui mettait du baume au cœur. Soudainement, elle le vit ralentir. Tiens, monsieur fatigue déjà ? Pensa-t-elle malicieusement. Ne détournant pas son attention de sa course, Jenny attendit tout de même avec impatience de voir le protecteur la dépasser de nouveaux. Seulement, il ne le fit pas. Alors qu'elle commençait réellement à le penser fatigué, Jenny ressentit un impact sur son dos, et s'affaissa sous un poids inconnu. Elle roula sur une dizaine de mètre, les yeux clos, se demandant ce qu'il se passait, et lorsqu'elle les rouvrit... Le protecteur était au dessus d'elle. Prise entre la panique, la timidité et la joie, la louve brune éclata d'un rire cristallin, rire légèrement nerveux de par sa grande timidité, mais un rire naturel en tout cas. Il voulait jouer au louveteau, elle était très douée à ce jeu là. Elle n'avait pas été si heureuse depuis bien longtemps, en fait, elle n'avait pas ressenti de bonheur depuis son enfance. Les souvenirs de ces temps de jeux et d'insouciance lui remontant en tête, son caractère enfantin jaillit de sa mémoire. C'est alors que Jenny se redressa vivement, se retrouvant à son tour sur le protecteur. Elle lui adressa un regard joueur, c'était elle, qui était au dessus de lui maintenant. Fière d'elle, Jenny ne manqua pas de faire durer le plaisir en le maintenant dans cette position. Mais elle n'était pas dupe, quelque part elle savait bien que si le protecteur était dans cette posture, c'était parce qu'il le voulait bien, un loup de sa carrure aurait pu la renverser sans aucune difficulté.

Après avoir été une bonne minute au dessus de lui, Jenny décida qu'il était temps de reprendre sa course, alors, pour le narguer, elle déposa une tendre léchouille sur le museau du protecteur, avant de se redresser en vitesse. Le contemplant avec un regard pétillant de malice, Jenny s'exclama : " Cette fois-ci, tu ne m'auras pas ", avant de déguerpir en vitesse. Cette fois-ci, elle allait vraiment le fatiguer, elle en était capable, de le faire courir. S'économisant au départ, Jenny courut à une vitesse moyenne, attendant que le protecteur la rejoigne. Ce qui ne manqua pas d'arriver. Une fois qu'il fut à sa hauteur, elle accéléra vivement, et entama sa course folle. Les arbres défilaient à une vitesse hallucinante, rien ne pouvait l'arrêter. Sur le chemin pour aller au camp, se trouvait la grande prairie. Alors Jenny s'élança de plus belle, motivée par cette superbe vue que devait offrir l'étendue fleurie à cette heure matinale.

Le loup la rattrapait, la louve brune le sentait. Mais elle était arrivée à son but, la forêt débouchait en effet sur une petite colline surplombant la prairie. Alors, sans ralentir, Jenny s'élança de cette colline. Un saut immense, et impressionnant, mais non dangereux. Lorsque la belle atterrit, elle roula dans les fleurs, se tournant sur le dos, attendant son compagnon de jeu.

The End.

Je lock!