-Soit la Bienvenue, Beech.
La voix du vieux loup gris sonnait étrangement en la jeunette, usée par le temps qui ne l'avait pas épargné. Il portait sur son pelage les marques du passé, et en lui, une force obscur, puissante et sage à la fois, brillait d'un éclat inconnu. Il fixait toujours l'horizon, mais un étrange vent, si léger qu'on ne le sentait qu'à peine, lui soulevait le pelage en un murmure indistinct. Pourtant, ce canidé grisonnant semblait habité d'un savoir qui n'était le sien.
-Tu ne me connais pas, et je n'ai pas besoin de te dire qui Je suis, tu le sais déjà, si tu cherche dans ton Cœur.

Beech ferma les yeux avec douceur, une violente douleur s'étant soudainement réveillée au fond d'elle. Une chose, une personne, l'appelait. Sa voix semblait si proche et si lointaine à la fois. Tout s’effaçait lentement autour d'elle, pour ne laisser qu'un gouffre où résonnait une mélodie divine, celle de l'Ermite.
-Je sais ton Nom, je sais ton Histoire, et je sais qui Tu es. Je sais aussi ce que tu ressens.
Alors elle le vit, plus nettement que dans ses souvenirs. Il s'approchait, son pelage d'un brun intense, ses yeux d'un bleu sublime, et son air joyeux qui l'avait faite craquée. Elle voulut le toucher, mais la distance ne voulait se résoudre à se réduire. Alors elle courut, encore et encore, mais jamais elle ne le rattrapa.

-Tu ne dois pas te détruire pour Lui. Il ne l'aurait pas voulu.

Enfin, elle l'entendit. Il lui tournait le dos, la fuyant.
-N'essaye pas de me retenir ! Hurlait-il. -Tu peux vivre, alors vis ! Fais ce que je n'ai pas pus faire ! Ne me rejoint pas, ou je te détesterai. Je t'aime, Beech. Je t'aime, alors vis, vis pour moi, vis pour nous deux. Je serai près de toi, je ne t'abando .. ja … j …
Sa voix s'éloignait dans un bourdonnement dérangeant et devant ses yeux l'image d'Adamor s'évapora lentement pour se jouer une scène. Elle se vit, elle, couchée, les yeux rougis par les larmes, et à ses côtés … Un loup. Gris. Du nom de …
-Haïku. Lâcha-t-elle dans un murmure.
Puis elle rouvrit les yeux et les tourna vers celui qui avait provoquer tout ceci, qui l'avait aider à accepter.

[Petit Up, c'est à Beech de répondre]

- C'est désormais à Toi de décider ce que tu veux faire. Personne ne pourra décider pour Toi, cela doit être ton Choix.

Le cœur de la petite émis un ultime battement. Un coup qui lui arracha un poids, le refoulant à jamais dans un recoin de son âme, ou seul son soi intérieur avait accès. Il était bien logé, ce blessant souvenir, forgeant dans son âme une étrange force.

- Qui es-tu vraiment, Beech ? Que représente la vie, pour Toi ?

La vie ? Elle ne s'était jamais réellement posé la question, pourtant un murmure indistinct guida ses lèvre dans un ballet chaleureux, une parole.

- La vie … est le souffle du Ko entre les arbres des forêts. La vie est l'espoir dans les yeux d'un jeune louveteaux devant sa meute, son destin. La vie est la tristesse d'une âme qui se voit retirer l'amour d'un proche. La vie est tout ce qui uni un loup et un monde.

Elle hésita un instant supplémentaire, puis se leva et vint plonger son regard dans celui de son maitre.

Apprenez-moi.

[Vacances, et trompée de compte, désolé !]

[On clôture sur ta réponse, et on en ouvre un autre ? ]

[Beech ?]

[J'arrive >_< ... Débordée, rien de plus !]

-Je n'ai rien à t'apprendre. C'est par toi-même que tu trouveras ce que tu cherche. Je peux t'aider, mais c'est seulement en Toi que tu trouveras la force et la sagesse des Ancêtres et du Kô. Le monde montre bien des choses à apprendre, et toute une vie ne suffit pas.

Le vieux loup marqua une courte pause, et les yeux clos, il reprit :

-On n'a jamais finit d'apprendre, sur les autres et sur soi-même, on s'efforce seulement de faire comme si rien ne bougeait, et on continue d'avancer. Cela prends des mois, des années, toute une vie, pour parcourir ses chemins intérieurs, mais au fond, on reste toujours ce qu'on est.

Ces quelques mots voulaient tout dire. Sa y était. Le chemin de sa vie commençait ici. Enfin, elle était quelqu’un. Son sort était scellé, et comme pour y confirmer, un murmure indistinct se faufila dans ses pensées. Elle entendait la nature, le Kô. Qui lui chantait, de sa voix mélodieuse, la marche à suivre.

*-… … meute … … … quitter … .*

Elle n’était pas prête, pas encore. Elle comprenait mal. Tout ce qu’elle savait, c’est qu’à peine entrée dans sa meute, il lui devait la quitter. Expliquer tout ceci à Sharka. Non. Elle n’avait pas à savoir les détails. Ni qui elle était. Elle le saurait en temps et en heure, tout comme les autres. Il n’était pas encore temps. Elle n’était pas encore ermite. Juste … Elle devait le devenir. Son cœur se serrait. Elle allait vivre seule, avec ses démons. Non. C’était faux. Elle n’était plus seule. Elle l’avait, Lui, au fond d’elle, et les ancêtres serraient là. Elle remonterait la pente. Elle triompherait, dans le silence d’or, et dans l’obscurité d’argent. Et dans le néant, elle disparaitrait.

« Au cœur du néant, il te faudra chercher,
Pour qu’un jour, tu puisse me trouver.
Ce jour, tu attendras,
Et de faim, tu souffriras.
Mais quand enfin, je t’aperçevrai
Toute les douleurs, je t’épargnerai
Et ton cœur s’envolera,
Sans que rien ne l’arrêtera.

De ta tristesse, tu sera soigné,
Et sans me voir, tu t’animera,
Et du néant, tu sortira
Pour ne jamais y retourner. »

-Je dois y aller. Merci.

Sur ses joues, elle portait encore les traces de ses pleurs mais son visage arborait son plus élégant sourire. Sans plus se retourner, elle se dirigea vers son camp, allegée d'un poids qui lui appartenait.

FIN.