Silence. C’est paisible. Si calme…

Zarys ouvrit un œil. Sans bouger, de peur d’effrayer la nature comme figée autour de lui,  le loup blanc observa aux alentours.  C’était fragile… C’était beau. La nature était glacée, toute recouverte de givre. Une toute délicate couche de rosée devenue solide, comme une fine pellicule de neige cristallisée. Avec le soleil qui se levait à l’horizon, et qui éclairait la clairière dans laquelle il se trouvait, c’était comme si la nature entière avait revêtu un manteau de paillettes.  Le loup blanc eut une inspiration, mélange de curiosité et d’émerveillement. Tout de suite après, une quinte de toux l’assaillit, lorsque l’air humide qu’il venait d’aspirer se retrouva dans ses poumons.

Il décida de se lever.
En s’ébrouant, il remarqua que son pelage était lui aussi recouvert de givre. Etait-il tout aussi beau que la nature qui l’entourait à ce moment même ?  Ses yeux clignotaient comme un louveteau qui découvrait le monde. Un craquement non loin lui fit rependre conscience. Il n’était pas seul.  Attendez… Où était-il ? Qui était avec lui, en cet instant ?
Un autre loup, ou bien un simple herbivore sans  défense ?
Zarys fronça les sourcils, perturbé. Il savait que quelque chose clochait. Incapable de se souvenir de ce qu’il s’était passé avant qu’il n’ouvre les yeux, le jeune loup blanc ne se souvenait de son histoire que dans les grandes lignes. Il  avait une mère. On le lui a retiré. Il fut seul. Et cherchait à présent son avenir dans les terres du Kô, ses terres natales.
«Qui est là ? »

Sa voix même avant changé. Pleine d’incertitude et de doute, il avait presque peur.

L'atmosphère était étrange, ces temps-ci. Sans que rien de réellement visible soit perceptible. Simplement, Myosotis n'était pas aussi à l'aise que d'habitude. Oh, elle n'était pas mal à l'aise - jamais - mais plutôt méfiante. Implicitement, tous les loups semblaient plus méfiant, moins confiant. Chez les Shadows, ça ne changeait pas forcément grand chose, mais Myosotis le sentait bien, au sein de sa Meute. Elle réfléchissait ainsi en marchant, d'un pas souple et puissant, sans pourtant être précipité.

Comme chaque jour, elle avait patrouillé tôt le matin, à l'aube, et elle avait chassé. Mais elle ne se lassait pas de sortir, cherchant toujours à aider au mieux sa Meute en ramenant du gibier, en surveillant les abords des frontières, ou même en améliorant encore sa forme physique - déjà d'un niveau élevée - pour être apte à vaincre n'importe quelle situation. Aussi, quand la neige commençait à tomber, elle avait tendance à allonger ses sorties. Parce qu'elle aimait la neige, pour les difficultés qu'elle apportait, mais aussi parce qu'elle se fondait bien dans le paysage. Comme sa mère. Seuls quelques poils roux tranchaient, tenus de son père.

Soudain, alors qu'elle marchait, une odeur vînt lui flatter le nez. Odeur qui lui semblait familière, mais avec un côté différent. Deux loups. Dont un qu'elle connaissait. Cependant, elle ne parvenait pas à déterminer qui il était. Puis une voix :

-N'aie aucune crainte, je ne te veux aucun mal crois moi. Je suis Mòrrìgan, Alpha des Winds, mes pas m'ont guidé jusqu'ici, je sens quelque chose d'étrange dans l'air, une chose affreuse va arriver j'en suis convaincue. Je ne me sens pas dans mon assiette. Ne te sens-tu pas bizarre toi aussi ? Tu semble décontenancé.

L'Alpha des Shadows reconnue rapidement la voix de Morrigan. Pourtant, ce n'était pas elle qui portait cette odeur si familière. Myosotis décida donc d'aller voir. Elle ne craignait rien ni personne, et voulait savoir qui se cachait avec Morrigan. Avançant, elle franchit un buisson d'arbrisseaux, et s'arrêta net. Là, en face de l'Alpha des Winds, il y avait Zarys. Mais, depuis leur confrontation dans la caverne de glace, elle ne le rejetait plus. Simplement, elle ne savait pas comment le considérer.

Tout était si calme, si étrange. Le temps était-il suspendu ?
Zarys fronça les sourcils. D'un pas mal assuré, il avança de quelques mètres en direction du bruit. S'il se montrait pacifique, il n'y avait aucune chance que l'inconnu ne l'attaque, n'est-ce pas ? De toute façon, le jeune solitaire n'était pas non plus en état de se défendre.

Au détour d'un buisson, il vit enfin la cause du bruit. Un simple loup, qui ne semblait pas être agressif. Une louve grande et élancée, plus âgée que lui. Oui, bien plus âgée ; elle aurait pu être sa mère. Une fourrure longue et dorée, un regard d'un vert émeraude profond. Il ne remarqua pas tout de suite le corbeau qui était perché sur son épaule, mais lorsque qu'il le vit, le vagabond eut un frémissement indéfinissable. Il faillit reculer d'un pas, cependant la voix douce de la louve chassa son hésitation d'un seul coup :
- N'aie aucune crainte, je ne te veux aucun mal crois moi. Je suis Mòrrìgan, Alpha des Winds, mes pas m'ont guidé jusqu'ici, je sens quelque chose d'étrange dans l'air, une chose affreuse va arriver j'en suis convaincue. Je ne me sens pas dans mon assiette. Ne te sens-tu pas bizarre toi toi aussi ? Tu sembles décontenancé.

Il regarda attentivement l'oiseau noir, compagnon de route de cette louve, Mòrrìgan. Plissa les yeux d'incompréhension. Hésita un instant. Décida finalement de parler. Il en avait besoin. Il se sentait si seul, et il sentait qu'il avait besoin de compagnie. Il ne voulait plus être seul. Et il sentait qu'il pouvait avoir confiance en cette louve au pelage doré comme le soleil. Elle dégageait quelque chose de si tendre, de si maternel...
- Je... Je ne sais pas.... Je ne sais plus... Je ne me souviens plus...

Il regarda longuement ses pattes, enfouies dans la neige. Il n'était même pas capable de se présenter.... Quelle honte... Son esprit était tellement embrumé qu'il n'arrivait pas à se souvenir. Tout accès à sa mémoire lui était refusé. De force. Pourtant, lorsqu'il se redressa et fit de nouveau face à Mòrrìgan, un sourire lui étira les babines :
- Je m'appelle Zarys. Je suis désolé, ma mémoire me fait un peu défaut... Comme si mon esprit m'était verrouillé, inaccessible. Toi aussi, tu ressens ça ?

Une pointe d'espoir brillait dans sa voix. De savoir que peut-être, il n'était pas le seul dans ce cas là. Qu'il existait d'autres loups à l'esprit soudainement embrumé. Il n'avait même pas vu qu'une deuxième louve venait de faire son apparition, derrière eux.