« Le Passé prend Racine dans l'Avenir » ||PV Jewel ||

Je marche, encore et encore. Je fuis, plutôt. Depuis mon départ, il y a des mois ; depuis que j'ai quitté mes terres Natales, je n'ai fais que ça. Fuir. Quoi ? La Douleur, le passé. Tout. Le Ravage. Ma Meute. Mon identité. Je ne suis plus rien, plus personne. Mon Pouvoir me hante chaque jour, mais je m'efforce de le repousser. Je ne me laisse pas céder au désespoir, car si j'ouvre la barrière qui entoure mon Coeur, alors ma tristesse et mes regrets se déverseront comme une rivière, brisant tout sur leur passage, et mon Pouvoir deviendra incontrôlable. Et je n'ai pas envie de parler à un Ancêtre. Quel qu'il soit.

Chaque jour, après avoir fait les tâches qui m'incombent, je m'isole. Je patrouille sur le Territoire, seul. Mais aujourd'hui, je suis allé encore plus loin. Parfois, je scrute l'horizon, en me demandant si je devrais fuir encore plus loin. Et si mon passé me rattrapait ? Islande est la seule dont j'ai l'infime certitude qu'elle n'est pas morte. Amos est je ne sais où parmi les Hommes. Je ne le retrouverais jamais, quand bien même il serait encore en vie. Quant à mes parents, ils ne sont plus, et c'est la seule certitude que j'ai. Mais cela fait longtemps, désormais. Plusieurs Lunes.

Loin, très loin des territoires de sa meute, une louve, plus blanche que la plus pure des neiges et dont les yeux sont tels des éclairs brisant la noirceur de la nuit, marche d'un pas nonchalant, fixant son regard vif droit devant elle, ne détournant jamais les yeux de son objectif, qui reste pourtant inexistant. Elle parcourt ainsi les territoires du Kô chaque jour, inlassablement, répétant toujours le même trajet, sans la moindre erreur, comme s'il était gravé dans sa mémoire. Mais ce n'est pas qu'une impression. Le trajet, au fil du temps, s'est réellement gravé dans sa mémoire, comme si un humain le lui avait marqué au fer rouge. Mais il y a plus marquant qu'un fer rougit à vif. La souffrance. La souffrance des souvenirs d'un être cher. C'était ce même souvenir, celui de son Alpha, Alaska, qui la maintenait sur ce même chemin, qu'elle répétait incessamment, telle une âme errante sans aucun autre but que celui de rejoindre le lieu de la mort de sa défunte amie. Elle errait ainsi depuis le levé du soleil. Et désormais elle était là, à s'engouffrer dans le sombre tunnel de pierre où son pelage contrastait incroyablement avec la noirceur de la pierre.

Je marchais, calmement, sans m'arrêter, toujours de ce même rythme devenu presque instinctif. C'était comme si je ne savais plus courir. Comme si je ne savais plus aller vite. Comme si je n'étais plus bonne qu'à une chose, marcher, marcher vers ce lieux où elle avait trouvé la mort, marcher vers le lieux de toutes mes hantises. Je le savais. Je savais qu'elle était en danger en allant là bas, mais je l'avais accepté. J'avais délibérément accepté sa mort. Et même si je m'étais persuadée que c'était pour son bien, que c'était ce qu'elle désirait, je m'en voulais. Je m'en voulais, et j'en souffrais. Avant de pénétrer dans le tunnel, qui marquait le début de mon calvaire mental, je fermai les yeux. J'inspirai profondément, puis les rouvris. Je ne ressentais plus rien en cet instant. Ou du moins, j'avais tout enfoui au fin fond de ma forteresse de glace. Comme à l'époque où j'errais sans but, après avoir tué mon père. Juste avant qu'Alaska me sauve.

Mais je ne devais plus y penser, cela ne faisait que rouvrir mes cicatrices morales, et les physiques me suffisaient amplement. Je m'enfonçai dans la grotte, bloquant toutes mes pensées, tous mes sentiments, tentant d'oublier, oublier tout ce que j'avais pu vivre jusqu'à maintenant, oublier toutes mes souffrances, tout mon vécus, toutes mes expériences, tout, absolument tout. Y compris elle. Même si je l'aimais comme une amie, voir même comme une sœur, penser à elle et à son sort me faisait souffrir. Et je m'étais jurée de ne plus rien ressentir. Y compris la souffrance. L'amitié n'y échappait pas non plus. Je ne me lierais plus. Désormais je ne suis plus qu'un soldat prêt à servir sa meute, et je ne compte pas m'attacher à nouveau. L'amour ? Je ne l'ai plus connu depuis la mort de ma mère, et il n'est pas question que je le connaisse à nouveau. Non, désormais je suis au service de ma meute, mais ce n'est pas pour autant que mes convictions s'en estompent, loin de là. Je serais prête à me dresser sur la route de mon Alpha, pour elles. Car elles sont tout ce qu'il me reste, d'Alaska, qui me les a léguées, et de moi même.

Ça y est, elle s'engouffre dans le tunnel de pierre, la tête vide, mais elle ne le restera pas longtemps...

Je sens une odeur. Familière, et inconnue à la fois. Un Fire. Voilà pourquoi j'ai reconnu cette odeur. En revanche, je ne reconnais pas l'odeur du loup qui la porte. Un mâle, mais qui ? Je ne connais pas énormément de membres de cette meute, mais je pense que si je l'avais croisé durant la guerre, je m'en serais souvenue. Or, je ne sais pas, je ne comprends pas, je n'arrive pas à l'identifier. Je m'avance, les traits froids, livides, sans vie, mais sans aucune agressivité pour autant. Et je l'aperçois. Un loup gris, que je ne connais définitivement pas. Je continue de le fixer, ne bougeant plus, attendant une réaction, qu'elle soit neutre, agressive, ou amicale. De toutes manières, cela ne me ferait rien. Qu'il me salue, qu'il grogne, m'attaque ou me souris, peu m'importe. Tout ce qui compte, c'est que je puisse aller dans la forêt, aujourd'hui encore, en sa mémoire.

Un léger grattement, presque imperceptible. Une infime odeur. Et une louve blanche comme la neige. Elle sort du tunnel. Elle est musclée, mais d'une beauté sans égale. Ses yeux dorés viennent se poser sur Moi. Elle est...étonnante. Elle ne bouge pas. Moi non plus. Je suis resté immobile. Je me fond dans le décor. Pourtant, elle m'a vu. Cette louve a su me voir dès ses premiers pas de l'autre côté du tunnel. Comme si elle avait passé sa vie à chercher le moindre potentiel danger. Craint-elle pour sa vie ? Je ne pense pas. Elle ne fais aucun mouvement, et même sa respiration est presque invisible.

Pendant un moment qu je ne saurais définir - une seconde ou des heures - nous sommes restés à nous fixer. Son regard d'or dans mon regard d'eau. Que pense t-elle ? Ses yeux sont ternes. Comme les miens, lorsque je me regarde dans l'eau. Souffre t-elle ? Il me semble. Mais je n'en ai que faire. Ma vie s'est écroulé depuis bien longtemps, et que cette louve soit triste ou joyeuse ne m'aidera en rien. Après une dernière seconde à la fixer, je détourne la tête, et reprend mon chemin, lui tournant ostensiblement dos. Qu'elle m'attaque, je n'en ai cure. Personne ne pourra jamais rien changer. Personne.

Le loup aussi gris que la pierre tourne le dos à la protectrice aux yeux dorés, ignorant la moindre pensée de la louve des neiges à son égard...

Nous nous fixons, inlassablement. Son regard me fascine, il semble si similaire au mien, comme s'il pouvait déceler mes souffrances, et les comprendre. Mais moi, je ne comprends pas le sien. Il semble si complexe.. Mais peu m'importe. Tout ce que je sais, c'est que je dois marcher, parcourir des territoires, errer, jusqu'à trouver un but, une information, quelque chose. Alors, je reprend ma marche, passant du pas lent et pensif à un pas plus dynamique, frôlant le trot. Je dépasse le loup gris, nous allons peut-être dans la même direction, mais je n'aime pas rester à l'arrière, je ne voudrais pas qu'il me croit hostile à son égard, ou qu'il pense que je le suis. Passant à ses cotés, je lui passe devant, et ralentit mon pas une fois devant. Je n'ai aucun but, alors j'avance, et j'avancerais, quoi qu'il arrive, fermant mon cœur au monde, cachant mes sentiments, m'enfermant des mes souffrances que je ne veux laisser paraître.

Tandis que son pelage se fond dans l'immensité blanche, la protectrice Shadow poursuit son chemin, identique à celui du Fire au pelage d'argent. Que réserve cette marche silencieuse aux deux loups aux camps si opposés ?

// Sorry, c'est petit T.T . Tu m'avais dit que Kygan pourrait engager la conversation, peux-tu le faire, alors ? Very Happy

//

Pendant un instant, je ne sens rien. Rien ne bouge. Puis quelque chose me frôle, et me dépasse. Ce simple contact m'a fait frissonner. Je ne connais rien de cette louve, pourtant elle dégage quelque chose d'étonnant. Quelque chose qui me semble inconnu, et si proche à la fois. Comme si je l'avais cotoyé des Lunes durant. Mais je n'arrive pas à savoir ce que c'est. Pourtant cette sensation réveille quelque chose en Moi. Elle ne me rend pas joyeux, et ne me rend pas heureux, mais elle délie ma langue. Il faut que je parle. Que je sache.

Ma voix est froide quand je parle. Pas méchante, pas arrogante. Simplement brisée. Simplement chargée mon passé, et des épreuves que j'ai traversées.

« As-tu donc quelque part où aller pour marcher ainsi ? Ou as-tu peur ? »

[Parfait ]

« As-tu donc quelque part où aller pour marcher ainsi ? Ou as-tu peur ? »

Ca y est. Le loup a parlé. Était-ce la destinée de ces deux êtres qui les avait fait se rencontrer en ces terres neutres, blanchies par le froid ? Le destin leur réservait-il des surprises inattendues ? Seul le kô le savait. Marchant jusqu'à présent d'un pas neutre et régulier, la protectrice ralentis, jusqu'à s'arrêter. Le souffle chaud s'échappant de se museau se condensait en vapeur d'eau, qui était immédiatement balayé par le vent froid soufflant sur la montagne de la faille glacée. Lorsqu'une nouvelle flopée de buée se créait sous le regard sablé de la louve, elle était de nouveau dispersée par une autre brise. Et ainsi de suite. Tel un cercle vicieux infini.

Et cette buée s'envolait, comme ceux qui m'avaient été chers s'étaient envolés. Le vent la balayait, comme les ancêtres avaient balayés tous ceux que j'ai eu aimé. Ma mère, mes frères, et ma chère amie Alaska. Tous, furent dispersés par le vent du kô, selon la volonté et la sagesse des anciens. Mais qui parle de sagesse ? En quoi est-ce sage de prendre une vie ? En quoi est-ce sage de retirer la raison de vivre d'un être ? Alaska était la mienne. On me l'a retirée. Et désormais j'erre, à nouveau, à la recherche de mon destin. La vie est faite ainsi. Comme ces rafales de vents, qui emportent mes expirations en soulevant du sol quelques flocons de neige, la volonté des ancêtres peut emporter les êtres les plus chers à vos yeux, et soulever de nombreuses émotions chez d'autres, les éprouver, mais ne pas les briser, décider que leur temps n'est pas encore venu. Alors non, je n'ai pas 'quelque part où aller'. Je suis de nouveau seule, seule avec moi même, et uniquement moi même, à la recherche de mon destin, à la recherche d'une vie qui voudra bien de moi, de quelqu'un à qui je pourrais apporter mon aide, de quelqu'un qui aura besoin de moi. Cette personne pourra être Shadow, Wind, solitaire voire même Fire, je l'accepterais, si tel est mon destin. Sans nulle part où aller, j'erre, telle l'âme en détresse que je suis, à la recherche d'une personne à aider, d'une cause à rallier, de rangs à intégrer, j'erre à la recherche d'une raison de vivre, d'une raison d'exister.

Je me suis accrochée, et j'ai perdu, désormais je suis brisée, et mon cœur n'est plus.

Peur ? Non. Je n'ai pas peur. Et puis, qu'est-ce qui pourrait me faire ressentir un tel sentiment ? La peur doit être provoquée par quelque chose, n'est-ce pas ? De quoi pourrais-je avoir peur ? De la mort ? Je ne sais pas ce qu'elle génère en moi. Je pense même l'attendre, et non la craindre. De la souffrance ? Je l'ai déjà tant connue, je ne sais plus ce qu'elle provoque en mon âme, ni en mon cœur. De quoi ce loup parle-t-il ? Lentement, je me retourne, replongeant mon regard terne dans le sien. Ça y est, je comprends. Oui, peut-être est-ce cela. Peut-être ai-je peur d'aimer? Peur de m'attacher ? Cet inconnu semble si bien me connaître que c'en est déroutant. Il me trouble, et m'intrigue à la fois. Son regard azuré semble me transpercer de par en par, si bien que je me tourne une nouvelle fois, restant de profil. C'est comme si j'étais prête à partir, à poursuivre mon chemin, et pourtant je reste plantée là, à lui répondre, même si je ne le connais pas.

« Non. Je n'ai nulle part où aller. Je ne sais pas vers quels horizons je marche, mais je n'ai pas non plus peur. »

Relevant légèrement la tête, mon regard se tourne vers ce loup étrange. Il semble comme moi. Aucune marque de blessure n'est visible sur son corps. Et pourtant il semble tant souffrir. Non pas physiquement, mais mentalement. Le simple fait de soutenir son regard est déchirant.

« Je me contente d'errer à la recherche de ma destinée. Je cherche un être à aider, un idéal à pourchasser, une cause à défendre, un rang à intégrer, j'erre à la recherche d'une manière de vivre, d'une raison d'exister. Mais qu'en est-il de toi, Fire au pelage d'argent ? »

Elle me regarde un instant. C'est la première fois que je croise son regard. Il me fait frissonner. Il est si...si incroyable. Si perçant. Mais elle détourne rapidement la tête.

« Non. Je n'ai nulle part où aller. Je ne sais pas vers quels horizons je marche, mais je n'ai pas non plus peur. Je me contente d'errer à la recherche de ma destinée. Je cherche un être à aider, un idéal à pourchasser, une cause à défendre, un rang à intégrer, j'erre à la recherche d'une manière de vivre, d'une raison d'exister. Mais qu'en est-il de toi, Fire au pelage d'argent ? »

Ainsi, elle aussi attend que la vie lui impose autre chose ? Je ne suis donc pas le seul ? Cette pensée me réconforte une fraction de seconde. J'ai l'impression que mon fardeau se fait un peu plus léger pendant quelques instants. Une raison d'exister ? Je n'en ai plus depuis longtemps, mais je n'en cherche pas d'autre. Car si je devais la perdre encore une fois, je ne pourrais le supporter d'avantage.

Je me redresse, et plonge mon regard vert d'eau dans le sien, un regard doré, magnifique. Ma voix n'est plus ce qu'elle était auparavant. Moins froide, plus profonde, mais toujours aussi chargée de mon passé. Elle le sera toujours. Côtoyer la mort et la solitude n'est pas sans conséquence.

« Il n'y a plus de Moi. Je ne suis plus rien. Ma raison d'exister a disparut depuis longtemps. Je ne souhaite qu'oublier. »

Oublier. Un passé. Un présent. Peut-être un Futur. Quand chaque jour se ressemble, le temps n'est plus ce qu'il était. Il se mélange au reste, et devient flou, comme tant d'autres choses. Je ne sais si je suis ici depuis quelques une, ou bien depuis longtemps. Je ne sais pas si je suis jeune ou vieux. Je ne sais pas ce que je vais devenir. Mais je sais qui je suis. Je suis Kygan, loup oublié de tous, loup brisé.

[Jy' ?]

» Jewel ~ Une muraille autour du coeur.
» [Rp] Le passé simple.
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« Le Passé prend Racine dans l'Avenir » ||PV Jewel ||

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