Musique

Une immense tristesse. Une douleur sans pareille. Voila ce qui rongeait Myosotis depuis le début. Depuis que tout avait commencé. Depuis qu'elle avait décidé que tout devait commencer. Parce qu'elle avait voulu écrire son destin, elle ne pouvait révéler sa souffrance. Elle ne regrettait pas son choix. Devenir Alpha des Shadows était son ambition depuis toute petite. Mais pas parce qu'elle souhaitait le pouvoir - ou du moins pas totalement - mais surtout parce qu'elle voulait montrer que, même si elle était plus jeune qu'Aloe, elle n'en était pas moins douée. Dès sa naissance, bien qu'ils ne l'ait pas clairement exprimés, ses parents l'avaient jugés. Parce qu'elle avait les yeux d'un autre. Parce qu'elle paraissait plus farouche. Parce qu'elle n'était pas pareil qu'Aloe, qui au départ, faisait tout bien comme on le lui demandait, et obéissait à l'oeil, alors qu'elle-même partait vagabonder, et ne recevait en échange d'une proie rapporté que le droit de rester dans la tanière parce qu'elle était punie d'être sortie.

Mais ce n'est pas pour autant qu'elle n'aimait pas ses parents. Loin de là. Elle leur avait pardonné, et avait simplement essayé de leur montrer qu'elle valait autant que sa Soeur. Alors, pour qu'ils soient fiers, elle avait dû redoubler d'effort. Etre en perpétuel compétition avec Reiko et Aloe. Et elle s'était forgée un caractère bien trempé. Et quand Aloe avait cessé d'être aussi brillante aux yeux de sa mère, Myosotis n'avait pu plu_s faire demi-tour. Son caractère ambitieux avait déjà pris le dessus. Et désormais, il l'obligeait à cacher sa peine. Pourtant, ici, où personne ne viendrait la trouver, elle pouvait laisser le chagrin la dévorer de l'intérieur. La moitié des loups la prenait pour une traîtresse ayant bafoué ses liens familiaux à cause de son orgueil sans limite, et l'autre moitié était indifférente. Personne ne l'admirait. Personne ne l'aimait. Même son père la détestait. Certes, elle l'avait destitué devant toute la Meute, mais elle l'aimait toujours, et elle lui avait proposé de rester. Mais elle avait l'impression d'être reniée de tous.

Alors, ici où personne ne la voyait, elle laissait libre cours à son chagrin. Les larmes ruisselaient sur ses joues couleur immaculées. Ses yeux d'ordinaire si dur et déterminée ne pouvaient cacher l'immense douleur qui lui rongeait le Coeur. Sa mère, la seule qui ait vraiment cru en elle, n'était plus. Et désormais, elle était seule. Il n'y avait plus que Reiko, qui semblait distant ses temps-ci. Il l'avait toujours été. Taciturne. Et de toute manière, elle ne pouvait lui révéler sa souffrance. Elle ne pouvait la révéler à personne. Pas même à Jewel, fidèle protectrice de sa mère, qui n'était plus que l'ombre d'elle-même. Alors, le museau levé vers le ciel, comme si elle espérait voir quelque chose, quelqu'un, n'importe quoi, elle pleurait. Elle pleurait sa mère. Elle pleurait sa famille déchirée. Elle pleurait sa vie d'Antan. Et plus les minutes passaient, plus ses sanglots redoublaient d'intensité, et plus ils se faisaient bruyant. Elle qui était assise quelques minutes plus tôt se leva, le visage baigné de larme. Elle venait de réaliser. De vraiment réaliser. Que tout était fini. Que sa mère ne reviendrait jamais. Qu'elle n'était plus là pour l'aider. Que désormais, Myosotis était seule. Seule, à la tête d'une Meute divisée. Seule face aux regards et aux critiques des autres.

Reculant, comme si quelque chose d'énorme la terrifiait, presque plaquée au sol, elle gémissait. Et puis, secouant la tête de gauche à droite, comme pour refuser la réalité, elle se mit à crier, la voix brisée

« Pourquoi ? Pourquoi es-tu partie ? Tu m'as abandonnée ! Tu m'as abandonnée, Maman ! Et maintenant, je suis seule ! »

Se recroquevillant sur elle, même, sa voix auparavant si puissante se fit murmure, et elle ferma les yeux en sanglotant.

« Tu m'as abandonnée, et je suis seule...Toute seule...»

Il refusait de se laisser aller aux larmes. Il était triste, il était blessé psychologiquement, mais il ne voulait pas tomber dans la faiblesse. Il luttait contre les sanglots qui lui enserrait la gorge, même si les laisser se déverser comme un immense torrent indomptable et impétueux était horriblement tentant. Il se devait de résister. C’était un battant, après tout. Il n’avait plus cette attitude hautaine, noyée par son chagrin, mais conservait un tant soit peu de sa superbe, et de son allure noble et fière. Il hurlait à la mort, il hurlait en l’honneur d’Alaska, cette grande louve qu’il avait toujours admiré.
Pour cette louve qui l’avait aidé à vivre. Pour cette louve qu’il considérait comme sa mère de substitution, dont le souvenir et la légende l’avait aidé à survivre dans un monde aussi hostile, en étant aussi jeune. Zarys entendit une feuille crisser. Il se retourna, et vit un corbeau sur une branche, qui l’observait intensément.
- Vas-t-en, ignoble volatile sans valeur !

Zarys n’avait pas du tout la tête à se battre, ni à parler. Cependant, il sentait que le corbeau n’était pas un simple oiseau ; il émanait de lui une sorte d’aura de puissance, quelque chose de sauvage, de lupin. Et puis, il détestait être ainsi observé à son insu. D’autant plus que cet oiseau si insignifiant soit-il, n’avait pas une once de peur à son égard. Grossière erreur de la part du loup qui se cachait derrière cette apparence. Car Zarys en était sûr, c’était l’un des loups du Kô qui jouait avec son pouvoir.
C’était comme si ce moment de calme et de recueillement venait d’être bafoué, comme si on venait de lui voler son intimité et ses moments de chagrins. Hors de lui, Zarys déploya son pouvoir, qui, invisible, redoutable, s’enroula autour de sa cible si impure, et vint la caresser comme un courant d’air, aussi délicat et léger que le vent. Puis, il serra l’emprise de son don sur l’oiseau, et il se retrouva prisonnier, comme si une main invisible serrait entre ses doigts le corbeau malchanceux. Mais à présent, alors qu’il essayait de se dégager, Zarys savait qu’il n’était pas que oiseau. Mais il voulait s’en occuper plus tard. Lui broyant littéralement l’aile grâce à la pression de son don, il eut un petit sourire malsain en voyant le corbeau pousser un cri de douleur. Avec ça, il lui sera impossible de voler, ou de se retransformer en loup, pendant un bon moment. Mentalement, le loups solitaire envoya sa proie valdinguer à quelques centaines de mètres de lui, aussi loin que sa mémoire et sa vision lui permettaient d’envoyer cet oiseau de mauvais augure.

Puis, il baissa la tête, de nouveau envahi par la tristesse. L’avantage de ce petit intermède, c’était que cette distraction lui avait permis de focaliser un instant son attention sur autre chose que la disparition d’Alaska, lui évitant ainsi de céder aux larmes. Zarys se promis de retrouver ce loup polymorphe un jour, et d’avoir une discussion avec lui. Mais pas aujourd’hui.

Il dressa soudain l’oreille, endentant une complainte toute proche. Un loup semblait, à l’instar du solitaire au pelage blanc, venir pleurer. Sans doute la mort d’Alaska ; nous étions en territoire Shadow, après tout. Doucement, curieux et mû par un sentiment étrange, Zarys se rapprocha du loup en larme.
- … Pourquoi es-tu partie ? Tu m'as abandonnée ! Tu m'as abandonnée, Maman ! Et maintenant, je suis seule !

Le loup blanc eut un moment d’arrêt, alors qu’il n’était qu’à quelques mètres de la louve. Médusé, il voyait Myosotis pleurer la disparition de sa mère. Ses yeux arc-en-ciel s’embrumèrent d’eux même, alors qu’ils se mettaient à briller d’une lueur farouche, à mi chemin entre la compassion et la tristesse partagée. Non, Zarys ne pleurait toujours pas. D’étranges sentiments se mêlaient entre eux, lui nouant le ventre. Des vibrations des picotements en tout genre lui mettaient l’estomac sans dessus dessous. Il aurait tant voulu consoler Myosotis, la sortir de cet état de faiblesse qui n’était pas le sien !
- Tu m'as abandonnée, et je suis seule...Toute seule...

C’est à ce moment-là que Zarys comprit. Qu’il comprit à quel point la jeune femelle se sentait seule, parmi une meute qui ne la comprenait pas. Pourquoi lui-même réagissait ainsi ? Il s’était toujours moqué des louves qui pleuraient, et là… Même si c’était Myosotis, si c’était une fille d’Alpha, si elle pleurait la mort de sa mère, la mort d’Alaska… Même en faisant abstraction de tout cela… Il n’arrivait pas à éprouver autre chose que de la compassion. Lui, qui éprouvait un sentiment positif à l’égard de quelqu’un. C’était tout nouveau… et incroyablement déstabilisant. Car, pire que tout, il aimait ça. Éprouver de la compassion envers cette louve si spéciale, à l’aura si particulière.
Il était convaincu qu’elle avait besoin de soutient. Lui aussi, petit, avait connu ce genre de passage à vide. Cette lourde prise de conscience d’être plus ou moins seul au monde. Il était comme elle. Survivants de ce monde injuste, porteurs de cette envie de vivre et de dominer ces faibles nés dans la facilité et l’oisiveté, voyageurs de leur vie et capitaine de leur Destin.

Doucement, et craignant une réaction hargneuse ou agressive de la part de Myosotis, le vagabond s’approcha, et s’arrêta à deux mètre de distance, sur le côté, avant de pencher la tête sur le côté, à la fois en signe de respect, mais aussi, pour signifier sans un mot à la louve qu’il comprenait ce qu’il lui arrivait, et qu’il était prêt à la soutenir.

Après tout, lui aussi était déjà passé par là.

Un bruit. Léger, presque imperceptible. Myosotis redressa la tête, le museau ruisselant de larmes. Qui la trouverait là ? Qui irait rapporté qu'il avait vu la Shadow gémir et pleurer comme une louvette ? Myosotis aurait pu l'abattre. Le tuer. Lui faire jurer. Mais elle n'en avait pas envie. Elle ne voulait pas. Elle en était incapable. Ce fut un regard arc-en-ciel qu'elle croisa. Un regard qu'elle n'avait vu qu'une fois, mais qu'elle n'avait pourtant jamais oublié. Zarys. Ce solitaire qu'elle avait croisé une fois sur la plage. Ce solitaire qu'elle gardait en mémoire, et pour qui elle avait ressenti des choses qu'elle n'avait jamais connu auparavant. Solitaire qu'elle avait épargné envers et contre tous alors qu'il avait volé du gibier, quand elle en avait puni pour bien moins que ça. Zarys.

Elle redressa se redressa, baissant les yeux. Elle n'osait croiser le regard du solitaire. Elle était tellement honteuse. Et quand bien même il venait de la déranger, elle n'avait aucune envie de l'envoyer balader. Parce qu'ainsi, par sa présence, elle n'était plus seule. Et elle ne voulait plus être seule. D'un rapide coup de patte, elle tâcha d'essuyer ses larmes. Pourtant, tout son être irradiait encore de sa profonde tristesse. Tristesse qu'elle n'arrivait pas à cacher comme elle l'avait fait la veille au soir, le jour précédent, et encore celui d'avant. La louve de neige ne voulait pas redescendre. Non. Elle voulait rester là, pour le moment. Jusqu'à ce que sa blessure cesse d'irradier. Sa voix, bien qu'elle essayât de la faire paraître sure, était tremblante, quand elle demanda au solitaire :

« Que...Que fais-tu là ? »

La tête légèrement tournée sur le côté, pas une fois elle ne croisa le regard du solitaire.

La louve remarqua très vite la présence du vagabond. Après tout, ç’aurait sous estimé les capacités de la belle femelle blanche. Lentement, elle baissa la tête, fuyant presque le regard de ce dernier. Voulait-elle lui cacher ses larmes ? Lui cacher ses faiblesses, et dans une dernière tentative pour sauver les apparences, lui cacher à quel point elle était affectée par la mort de sa mère ?

Zarys n’avait pas besoin de mots. Il la comprenait.
Il savait à quel point il était dur pour un loup, animal social, de se rendre compte à quel point l’on peut être seul. Lui aussi était déjà passé par là. Et lui, n’avait eu personne pour le réconforter, et l’empêcher dans sombrer dans la haine des autres, la haines des gens heureux, de ceux qui ont eut une vie plus facile et plus douce. Mais il en était ressorti plus fort et indépendant que jamais. Impénétrable, rien ni personne ne pourra jamais plus lui faire de mal. C’était ce qu’il croyait, tout du moins. La disparition d’Alaska, la rencontre de Myosotis avaient quelque peu changé ses plans. Il était de nouveau prêt à vivre en communauté. Il était prêt à partager sa vie avec d’autres loups, rien que pour éviter que Myosotis se retrouve seule. Il ne voulait pas la laisser sombrer comme lui l’avait fait.
Parce que son rêve était de devenir l’Alpha, le leader des Shadow, elle ne devait pas tomber dans cette haine des autres. Et Zarys allait s’y employer . Qu’elle le chasse après si elle le souhaite. Au moins aura-t-il joué son rôle. Et Myosotis saura qu’elle n’est pas seule.
- Que… Que fais-tu là ?

Sa voix était tremblante, et elle refusait toujours de croiser son regard. Zarys était presque choqué de l’attitude de la jeune louve d’ordinaire si assurée, dominante, et sauvage. Mais il n’en démontra rien, et répondit simplement :
- Je suis venu honorer la mémoire de ta mère.

Il s’approcha un peu, mais ne voulait mettre Myosotis plus mal à l’aise qu’elle l’était déjà. Être découverte dans un tel état ne devait pas être facile pour elle. Zarys ne voulait pas qu’une louve aussi forte qu’elle s’aigrisse dans la solitude et la rancœur, pour voir son Destin lui filer entre les pattes. Elle était en droit de demander une vengeance. Elle était en droit de réclamer justice. Et si elle voulait du soutient, elle était en droit de réclamer de l’aide. Et Zarys venait spontanément lui offrir son soutient.
- J’aurai tant voulu la connaître d’avantage… Elle fut un véritable modèle pour moi.

- Je suis venu honorer la mémoire de ta mère.

Il s'approche. De quelques pas seulement. Je ne bouge pas. Je lui suis reconnaisante. Il ne viole pas mon intimité, mais me propose implicitement son aide. Une aide qu'il est sans doute le seul à pouvoir apporter, parce que je n'accepterais l'aide de personne d'autre.

- J’aurai tant voulu la connaître d’avantage… Elle fut un véritable modèle pour moi.

Lentement, je relève le visage. J'ai si mal au fond de Moi. La douleur se voit-elle dans mes yeux ? Je n'en sais rien. Tellement de sentiments se bousculent en Moi, pourtant je n'ai rien à dire. Je ne peux rien dire. J'ai trop mal. Trop peur. Tout d'un coup, j'ai l'impression que tout s'écroule autour de Moi. Je suis seule. Toute seule. Personne n'est là pour m'aider, pour m'épauler. J'ai déchiré la seule famille qu'il me restait, parce que j'ai été trop ambitieuse. Et Reiko n'est plus le même. Regrette-il ? Ou a t-il aussi mal que Moi ? Imalys et Aloe me manquent, même si j'ai toujours été jalouse d'Aloe, et que je n'ai jamais vraiment prêté attention à Imalys. Mais c'est mon frère , après tout.

Peu à peu, je me redresse. Zarys me redonne du courage. Je ne sais pas comment, ni pourquoi, mais je le sens. Peu à peu, même si la douleur reste vive, elle s'apaise. C'est comme s'il chassait mes peurs et mes craintes d'un seul regard. Un regard arc-en-ciel. Un regard unique. Un peu comme le mien. Plus je le découvre, plus il me semble identique à moi. Libre et sauvage, sans aucune limite. Blanc. Des yeux rares. Je cherche mes mots. Ils se perdent dans l'immensité du regard de Zarys, que je viens de croiser. Je n'arrive plus à m'en détacher. Mais quelques mots sortent, sans que j'en ai vraiment confiance :

« J'aurais tant aimé qu'elle reste là. »

 Peu après, Elle relève la tête. Zarys cligne des yeux, leurs regard s’emmêlant enfin. Le regard si unique de la jeune louve le plongea dans une sorte de transe étrange. Il se sentait moins seul lorsqu’il était à ses côtés. Zarys avait presque envie de quitter sa vie de solitaire, maintenant. Aliéner sa liberté et son indépendance pour rester avec cette louve, si pareille à lui. Seule. Impétueuse, et extrêmement libre et courageuse. Il avait envie de la soutenir, de la protéger de tout ce qui l’avait obscurci. De tout ce qui vous pourrit l’âme jusqu’à la rendre aussi noire que la nuit la plus sombre et assassine. De tout ce qui vous la pourrit jusqu’à la moelle, de manière insidieuse et absolument perfide. Lui même s’était assombri à la solitude. Oh, il le vivait très bien. Mais Myosotis semblait réveiller chez lui une envie de la protéger. Contre tout cela. Elle était grande, puissante, et impétueuse. Lui avait réussi à ne pas s’abîmer trop profondément dans les méandres de ce qui vous noircit. Et il ne voulait pas qu’Elle succombe à leurs sirènes. Peut-être était-ce pour lui comme un chemin de Rédemption ?

Non, il n’en n’avait rien à faire. Tout ce qu’il voulait, c’était que Myosotis ne devienne pas de ces petites pleurnichardes qui deviennent toutes molles et roses… Ces faibles… Il n’y avait aucune affection, ou quelque attirance que ce soit, il en était presque sûr. Presque.

Myosotis bougea. Sans briser leur connexion visuelle, la louve blanche se redressa, comme reprenant le contrôle sur sa tristesse et sur sa solitude.  D’une voix qui cherchait à se convaincre elle-même, la louve polaire aux yeux si particuliers lâcha enfin :
« J'aurais tant aimé qu'elle reste là. »

Zarys baissa légèrement la tête, sans briser le lien visuelle qui s’était établi entre eux deux, et que, curieusement, il ne voulait briser pour rien au monde. Un instant, il plongea dans ces prunelles si uniques, si profondément marquées par sa tristesse qu’elle semblaient rayonner de milles étoiles d’argents. Rien à voir avec ce violet sombre et morose de ce vieux Wind sale qu’il avait déjà croisé.
« Elle sera toujours dans nos âmes, tant que nous penserons à elle et que nous vivrons,  libres de mener nos propres vies sans que personne vienne nous voler notre destin. »

Il eut un petit sourire sans joie. Le vagabond n’avait pas bougé, et son regard polychomatique n’arrivait pas à se détacher de l’améthyste de Myosotis. Sa voix se chargea en haine et en colère, mais resta calme et mesurée.
"Un jour... Son meutrier payera pour ce qu'il a osé faire..."

Zarys baissa la tête. Pourtant, son regard arc-en-ciel restait fixé, comme accroché, à celui de Myosotis. Qui accrochait l'autre ? On ne pouvait le dire. Mais ils s'accrochaient, par le biais d'un regard incroyable.

« Elle sera toujours dans nos âmes, tant que nous penserons à elle et que nous vivrons,  libres de mener nos propres vies sans que personne vienne nous voler notre destin. "Un jour... Son meurtrier payera pour ce qu'il a osé faire..."»

Sa meurtrière, plutôt. Savait-il qui avait tué Alaska ? Sans doute pas. Peut-être l'avait-il entendu au cours du Rassemblement, s'il était venu, au fond. Et oui, Sharka payerait. Mais pas tout de suite. Peut-être demain, ou peut-être dans des Lunes. Myosotis n'irait pas la chercher. Elle attendrait que la louve trapue vienne à elle. Et personne, personne ne lui volerait son droit de Mort sur sa Tante. Personne, pas même Zarys, qui dégageait un sentiment si particulier. La voix de la jeune louve était calme, mais profonde, quand cette dernière parla.

« Sa Meurtrière, Zarys. Et oui, elle payera, mais pas de ta Patte, ni de celle d'un autre. Cette légitimité m'appartient. »

Peu à peu, la louve reprenait consistance, tâchant de calfeutrer la brèche qui lui brisait le Coeur. Et plus elle fermait cette brèche, plus sa fierté reprenait le dessus, et plus elle regrettait de s'être retrouvé face à Zarys. Parce qu'il dégageait quelque chose de très spéciale qu'elle était incapable de définir. Parce qu'il provoquait en elle un sentiment qu'elle repoussait de toutes ses forces. Parce que lui était resté fort et impassible, parce qu'il n'avait jamais faillit, du moins c'était ce qu'elle pensait. Et elle voulait lui prouver qu'elle n'était pas plus faible que lui. Il n'était pas question qu'il profite de cet instant pour se sentir supérieur. Et voila, la vraie Myosotis était de retour. Se relevant, la tête haute, et une nouvelle lueur, plutôt farouche, dans les yeux, elle recula. Pas de contact trop proche avec Zarys. Plus de compassion, plus d'intimité avec lui. Ce n'était qu'un solitaire.

[Héhé :face]

Leurs regards ne se quittèrent pas durant leur échange.  Comme si un tel acte était impossible. Comme si, mutuellement, ils s’accrochaient l’un à l’autre, tentant de se sauver réciproquement. De garder la tête hors de l’eau, de rester à la surface pour ne pas sombre dans les ténèbres, seul et dépourvu de tout soutient. Les prunelles améthystes de la louve blanche l’électrisaient. Zarys ne pouvait concevoir de quitter ce regard, perdu dans l’immensité de ce magnifique océan violet, abîmé dans une telle profondeur.

Myosotis, fort heureusement,  ne semblait pas vouloir rompre ce contact visuel non plus. Pas tout de suite, tout du moins. Mais Zarys avait besoin de cette sensation étrange, comme s’il avait besoin de se déconnecter du monde réel un instant, afin de faire le point sur les événements passés. Faire le bilan de ce qu’il s’était passé ces derniers temps, depuis qu’il était revenu sur ses terres natales du Kô.
« Sa Meurtrière, Zarys. Et oui, elle payera, mais pas de ta Patte, ni de celle d'un autre. Cette légitimité m'appartient. »

Le concerné cligna un instant des yeux, sans bouger le regard pour autant. De retour dans le monde présent, il vit la louve devant lui reprendre contenance à une vitesse ahurissante. Elle se redressa, la fierté inondant ses traits et gommant ses dernières empreintes de tristesse.  Ses yeux si particuliers brillèrent d’un éclat espiègle nouveau, celui auquel Zarys avait toujours été habitué.

Il eut un petit sourire en coin. Loin d’être moqueur, il était lui aussi débordant de fierté.  Heureux de voir à quel point cette louve était capable de reprendre le dessus sur ses sentiments, et de de nouveau être forte, si peu de temps après la disparition de sa mère. Il était fier de connaître cette louve, fier d’avoir croisé son chemin. Son regard multicolore semblait rayonné également, alors qu’un étrange sentiment lui serrait le ventre. Il l’ignora superbement, alors que Myosotis le regardait de nouveau avec un regard légèrement teinté de dédain, et de supériorité.

Zarys était conscient que, malgré tout, il ne restait qu’un simple solitaire aux yeux de la belle femelle. Certes, pour lui, elle demeurait la fille d’Alaska, la descendance de son modèle qu’il n’a jamais pu connaître, la future Alpha légitime des Shadows.

Il était conscient qu’il ne représentait rien pour Myosotis, et cette pensée lui ferrait presque mal, si lui-même n’était pas un solitaire aguerri. Non, pour elle, il n’était sans doute qu’un simple vagabond de passage. Sauf que lui, ne voulait pas être un loup comme un autre aux yeux de la louve blanche. Il voulait lui montrer qu’ils pouvaient être alliés. Qu’il pouvait l’aider à devenir ce qu’elle voulait être. Que, parce qu’il n’avait jamais rencontré de telle femelle au paravent, il était prêt à bien des sacrifices.
«Myosotis.. Si je peux t’être utile en quoique ce soit dans tes plans… »

«Myosotis.. Si je peux t’être utile en quoique ce soit dans tes plans… »

Comment faire bloc quand tout votre être vous pousse à accepter ? Quand chaque centimètre de votre corps frémit à l'idée de se rapprocher encore de ce loup si étonnant ? Un mental d'acier. Une volonté de fer. Et un coeur brisé, peut-être. Plutôt que de reculer encore, fuyant celui qui chamboulait tant de chose, Myosotis resta de marbre. La tête haute et le regard vif. Mais un regard chargé de colère et de tristesse, et d'une lueur - imperceptible - d'hésitation. Elle ne connaissait que trop bien le sentiment qui prenait peu à peu place en elle. Qui poussait chaque fois un peu plus les frontières. Mais elle faisait bloc, tant qu'elle pouvait. Parce qu'il y avait Reiko. Parce qu'il y avait sa fierté. Parce qu'il y avait son Destin.

Un Destin seul est forcément différent d'un Destin à deux. On ne peut faire un choix sans bouleverser l'un ou l'autre. Et quand on n'est pas sur, alors on bouleverse le moins probable, celui qu'on n'avait pas prévu. Myosotis se battait contre elle-même. Peut-être un peu contre Zarys, aussi. Elle aurait voulu s'enfuir pour ne pas avoir à choisir, mais non. Elle était l'Alpha des Shadows. Elle avait déchirée sa famille pour le devenir, et ne laisserai personne lui faire regretter. Personne ne changerai ses plans. Pas même un solitaire un peu trop osant, si intriguant soit-il.

« Mes Plans ? Qui crois-tu être, Zarys, pour me parler de plans, quand tu marche sur mes Terres, en toute impunité ? »

Sa voix était légèrement hargneuse, mais surtout profonde et puissante. Parce que ses paroles avaient un sens caché. Bien différent de celui qu'elles prenaient à la base.

« Ne t'avais-je déjà pas prévenu ? Les règles sont les mêmes pour tout le monde, Zarys, et tu ne fera pas exception. »

Plus qu'une réprimande, c'était une pointe de regret qui perçait dans la voix de la louve de neige. Elle n'avait aucune envie de le chasser. Aucune envie de le blesser. Mais c'était son rôle en tant qu'Alpha. Faire respecter l'ordre et les règles. Si elle-même ne le faisait pas, qui le ferait ? Laisser un solitaire marcher librement sur ses Terres n'était pas possible. Zarys devait partir. Loin. Et ne jamais revenir. Peut-être qu'ainsi elle l'oublierait. Peut-être qu'il s'effacerait, et que tout redeviendrait comme avant. Que tout cesserait de se fissurer.

« Tu vas partir, Zarys. Loin d'ici. Très loin. Et ne pas revenir. La Prochaine fois signera ton arrêt de mort. Je ne veux plus te voir. Vas t-en. »

Comment chasser quelqu'un qui vous tient tant à cœur sans lâcher prise ? C'est impossible. Alors même qu'elle prononçait ses paroles, Myosotis se retirait en elle-même. Toujours aussi fière dans sa posture, elle n'était à l'intérieur plus qu'une coquille vide, un escargot à la recherche d'un abri. Elle aurait pu détourner le dos et s'en aller, comme elle l'avait fait autrefois. Elle aurait pu se jeter sur lui en grognant, pour qu'il parte de suite. Mais elle resta immobile. Impassible. Parce qu'elle chassait un loup qu'elle admirait, mais que ses devoirs lui interdisaient de voir.

[Bouhouhouh Si je me rappelle bien, on avait dit que Zarys reviendrait plusieurs fois à la charge en lui disant ouvertement, mais qu'à chaque fois, Myosotis le repoussait, jusqu'à un certain point, non ? :3]

« Mes Plans ? Qui crois-tu être, Zarys, pour me parler de plans, quand tu marches sur mes Terres, en toute impunité ? »

Cette voix dure et impétueuse le fit frissonner jusque dans sa moelle. Le jeune solitaire réprima durement l’envie de sauter à la gorge de la femelle blanche. Certes, elle était l’Alpha. Et il était sur son territoire. Et il y avait cet étrange sentiment qui lui enserrait le bidon à chaque fois qu’il croisait ses prunelles violettes. Certes. Mais si cette louve n’avait pas été Myosotis, il lui aurait certainement fait regretté ce ton, et ce dédain. Jamais il n’avait autorisé qui que ce soit à lui parler de la sorte. Jamais. Et pourtant, il rabattait les oreilles en arrière, sans réagir plus que ça. Il laissait Myosotis prendre le dessus, et mener la conversation.

Un goût amer vint empâter la gueule du vagabond. Il détestait cette situation, et il savait pourtant que ce n’était pas encore son tour de parole. Qu’aurait-il pu dire, de toute façon ? Il n’était pas du genre à réagir a quart de tour s’il n’y avait pas évaluation des risques avant. Et il savait à quel point la nouvelle Alpha pourrait être dangereuse, s’il la contredisait.

Aussi, la laissa-t-il parler.
« Ne t'avais-je déjà pas prévenu ? Les règles sont les mêmes pour tout le monde, Zarys, et tu ne feras pas exception. »

Quel étrange ton. Myosotis le regardait de haut, et pourtant, Zarys ne voulait pas baisser le regard. Il était prêt à rejoindre sa meute pour l’aider à ne plus craquer, bon sang ! Et elle rejetait sa proposition, piquée dans son orgueil. Le loup argenté eut un demi-sourire. Loin d’être moqueur, il brillait de fierté. Myosotis ne se laisserait pas abattre. Elle était une battante, comme sa mère avant elle.
« Tu vas partir, Zarys. Loin d'ici. Très loin. Et ne pas revenir. La Prochaine fois signera ton arrêt de mort. Je ne veux plus te voir. Vas t-en. »

Le regard pétillant et si unique de la louve polaire s’éteignit sur ces dernières paroles. Zarys, toujours aussi fier dans sa posture que son interlocutrice ne l’était, ne donnait pas l’impression d’être un loup banni d’un territoire, et menacé de mort. C’était un solitaire, après tout. Des mois de solitude l’avaient endurci. C’était un fort, un puissant. Rien ni personne ne pourrait un jour lui retirer cela. Il faisait parti de la race des véritables guerriers ; du sang de battant coulait dans ses veines. Il n’avait rien de ces petits toutous de meute si dépendants les uns des autres, si minables qu’il suffisait d’en éloigné un du groupe pour le saigner et l’achever d’un coup de crocs.

Et il avait tenté de se rabaissé à cela ? Juste pour venir en aide à une louve plus forte tête que les autres ? Zarys l’avait peut-être mal jugé, après tout. Trop content de voir un loup qui, comme lui, se battait contre la Vie elle-même pour survivre et se faire sa place, il avait pensé que Myosotis pouvait le comprendre. Et il s’était rudement trompé. Elle, était née dans une famille de haute lignée. Lui, n’était qu’un vagabond sans origine ni famille. Seul son pouvoir lui indiquait qu’il avait des racines sur les terres du Kô. Myosotis, a vécu au sein d’une famille aimante et protectrice. Lui, n’avait rien.
Alors pourquoi, dans son être, Zarys avait-il l’intime conviction qu’elle n’était pas si différente que lui ?

Aucune importance. Toujours fidèle à son air noble et fier, le jeune mâle argenté hocha la tête sur le côté en signe de compréhension. Il était néanmoins fier. Fier de la voir remonter ainsi la pente, et de savoir sauver les apparences.
Sans un mot, il fit mine de s’en aller, sans un regard en arrière. Mais, juste avant de disparaître dans la forêt, il la regarda une dernière fois. Son air hautin exprimait toute fois du regret qu’il sut cacher. Mais aussi du respect.
« Soit. Tu ne me verras plus. Que Lupus te garde, fougueuse fille d’Alaska. Et que ton Destin soit celui que tu as toujours rêvé accomplir. »

[Oh, bah oui, on peut faire comme ça... ]