Des bruits horribles, des craquements de branches, des crissements de griffes, des hurlements de … Lui.

Sullen ouvrit les yeux, trempé de sueur. Il avait encore rêvé de Ça. Pourquoi ? C'était là un rappel à l'ordre. Il ne devait pas éprouver de compassion. Il ne devait pas éprouver de haine. Il devait vivre, tel un soldat de plomb, dans le seul but de protéger sa reine, Sharka. Sa reine à laquelle il avait dédié sa vie, sa reine à laquelle il dédierait sa mort.
Il voyait Son corps criblé de plaies, alors que le grondement féroce de leur « Maître » lui hurlait, à lui, pauvre louveteau, de bien observer son frère, de bien voir la terreur sur son visage, de bien savourer l'odeur de ce sang familial qui coulait.
Il voyait Cet Idiot mourir.

Bondissant sur ses pattes, le jeune protecteur redevint le pâle et froid pion qu'il était et sortit d'un pas feutré de sa tanière. Il était beau, du haut de ses vingt-et-une lunes, son corps tout juste formé surplombé d'une gueule musclée et de grandes oreilles. Il s'élança, tel un voleur, galopant doucement dans le camp vide, son esprit complètement … vide. Pourquoi sortait-il ? Pourquoi n'allait-il pas se recoucher ? Il n'en avait aucune idée, mais son corps, mais son cœur l’incitait à courir, encore et toujours plus vite, au milieu des arbres, de la végétation fleurissante.

Lorsqu'il resurgit enfin du néant de son âme, le loup, seul, était entre des arbres dont on ne pouvait voir précisément le contour, dont on ne pouvait sentir les feuilles bouger. Mais il ne s'arrêta pas, et galopa, esquivant chaque obstacle avec une aise qui trahissait l'habitude, et bientôt, il reconnut l'odeur des pins, immenses. Alors, depuis deux bonnes heures déjà qu'il courait, il se stoppa enfin.

Autour de lui, le parfum de la nature tourbillonnait mélangeant odeurs et odeurs, animales, végétales … Après quelques secondes de délectation, de séparation des fumets, il repéra une proie. Quitte à être dehors, autant ramener le petit déjeuner à Madame.
Le chevreuil était un peu plus loin, dans une forêt de chênes et de bruyères. La technique de chasse du jeunot était simple. Il n'était pas si bon que ça a l'attaque, mais il avait trouver une parade. La vitesse. En deux en trois mouvements, il fut au milieux des arbres centenaires, et, caché derrière un buisson, il observait son herbivore.
Tout d'abord, l'approcher. Rentrer les épaules. Courber l'échine. Raser le sol. Et ramper rigoureusement, jusqu'à être à deux mètres de la cible.
Le loup ne pouvait aller plus loin, où la zone était un peu dégagée, mais il allait y arriver. Bondissant de sa cachette, il surpris la proie qui buvait paisiblement dans un ruisseau, et posa sa patte, un infime instant sur sa croupe. Ses yeux se clos, son énergie vitale passant immédiatement dans son membre, et une belle empreinte sur l'animal fut posé, disparaissant immédiatement. Mais … Déjà les sabots agiles de la bête s'enfonçaient dans sa cage thoracique et le repoussait. Reculant, boitillant un peu, et reprenant lentement son souffle, il l'observa lentement alors que le chevreuil tournait ses bois vers lui. Il n'allait pas fuir.
Sentant l'attaque, Sullen s'appuya sur sa patte et moins d'une seconde plus tard, il se trouva sur le dos de la bête, à planter ses griffes et ses crocs, alors qu'elle roulait des yeux fous, se cabrant et ruant. Elle ne réussit guère qu'à planter un peu plus les crocs dans ses hanches, et à tomber sous les coups de son agresseur un peu plus rapidement.

Tressautant une ultime fois, l'animal s'écoula, dans un soupir de douleur. La technique de Sullen n'était pas encore bonne ; il avait salement amocher l'arrière-train de la belle proie alors qu'une simple morsure à la gorge aurait suffit. Mais … Il s'était mal positionné dès de départ.
Mais peut importait, car une étrange odeur vint titiller son odorat.

Parmi les grandes réussites dont Kinaï pouvait se vanter, une seule lui offrait un plaisir digne des meilleures victoires : son autonomie. Car oui, il s'était habitué à cette vie de solitude. Oui, c'était presque une hérésie pour un loup que de profiter plutôt que de donner... mais cela lui était égal. Pour tout choix difficile, il y avait de grandes décisions à entreprendre, et vivre en solitaire, libre comme l'air, n'avait fait que le réconforter dans son choix. Les autres pouvaient toujours lui dire qu'il était devenu ce vagabond par défaut, et non par choix, mais sa fièretée de loup faisant, il ne pouvait s'empêcher de voir son statut comme une fièreté.

Et pourtant, bien des épreuves avaient mis sa fourrure en danger. Combien de jours avait-il passé sans se nourrir, meurtri par la brise glaciale de l'hiver ? Ou combien de fois avait-il dû se contenter des restes ? Sur ces points, les choses avaient bien changées : les rigueur de la mauvaise saison avait offert son dernier soupir il y a quelques mois déjà.

D'un pas décidé, Kinaï avait pourtant dû changer ses plans depuis la rencontre qu'il avait fait avec son ancienne meute, en la personne de Whitefang. Si cette rencontre avait été connu de l'alpha de la meute, le loup solitaire n'aurait pas vécu d'autre lune. Alaska régnait sur cette meute sans offrir de seconde chance aux bannis et ça, il l'avait bien compris. Kinaï s'était donc résolu à abandonner un territoire qu'il considérait encore un peu comme le sien pour trouver refuge bien plus au nord. Lors de son périple, les rencontres s'étaient faites beaucoup plus rares... les proies aussi.

C'est donc avec une excitation non cachée et une force nouvelle que Kinaï s'était mis en chasse pour la journée. Beaucoup d'eau avait coulé depuis le temps où il avait dit adieu à Alaska et les shadows. Son manque de technique avait laissé place à une précision d'approche redoutable... et le manque de proies avait disparu dans la foulée. D'un pas discret, il longeait la lisière d'une forêt sombre quand il entendu des pas de cervidés qui traduisaient toute la fougue de celui qui les faisait résonner. Il devait se passer quelque chose : un combat, une parade peut-être. Kinaï en savait peu mais se devait d'en profiter. Sans un bruit, il continua donc son approche quand les bruits s'arrêtèrent. Que s'était-il passé ? Rien ne lui permettait pour l'instant de le savoir, mais le loup solitaire le compris bien vite, car une odeur familière et si étrangère à la fois arriva à ses narines : Il y avait un autre loup.

Avec un calme olympien, Kinaï alla à sa rencontre. Son odeur n'était clairement pas celle de son ancienne meute, alors peut-être avait-il à faire à un autre solitaire. Le long d'une petite rivière, il découvrir cet inconnu qui avait fait tout ce bruit : et Kinaï compris par la même occasion qu'il était arrivé trop tard. Un jeune loup se trouvait en contrebas, les pattes avant sur le corps d'un beau chevreuil. Etait-ce un soliaitre lui aussi ? rien ne permettait d'en être certain, mais son jeune âge ne laissait pas trop de doutes. Aucune meute ne laissait chasser un loup aussi jeune par ses propres moyens.

Kinaï ne cachait pas que dans son fort intérieur, son instinct de banni mal luné repris quelques secondes le dessus : pourquoi pas voler sa proie plutôt que de passer son chemin ? Ce loup n'aurait sûrement pas fait le poids face à l'âge de Kinaï... Pourtant, une hésitation le fit réfléchir à deux fois. En tant que solitaire, pourquoi pas discuter un peu avec ce jeune : peut-être allait-il en savoir plus sur la région, ses habitants... peut-être allait-il accepter de partager un peu avec lui.

Kinaï se montra donc sans un mot et sans la moindre attitude d'agressivité : il fallait faire bonne figure... car les premières impressions allaient donner à ce loup la tonalité de la discution qui allait suivre.

"Belle chasse !" lui dit-il avec un léger sourire.

"Je me nomme Kinaï... tu n'as rien à craindre de moi, il y a bien longtemps que mon instinct de survie a laissé place à plus de savoir vivre. Je ne suis pas spécialement d'ici, et j'aurai espéré que tu puisses m'aider... le peux-tu ?"

"Belle chasse !"

Montrant les crocs, le jeunot bondit par dessus le cadavre, dans une position de défense, son regard n'exprimant aucune autre émotion que la froidure d'une âme scellée. Encore une erreur. Pourquoi. A cette heure-ci, il serait déjà mort s'il était en mission. Indiscipliné. A cette heure-ci, lui serait à terre et Sharka en danger. Par sa faute.

*Bougre d'andouille !*

"Je me nomme Kinaï... »

*Pourquoi ne l'as-tu pas senti ?*

« Tu n'as rien à craindre de moi, il y a bien longtemps que mon instinct de survie a laissé place à plus de savoir vivre. Je ne suis pas spécialement d'ici, et j'aurai espéré que tu puisses m'aider... le peux-tu ?"

Comme s'il avait eu peur. Non, il était juste un peu énervé envers lui-même, pauvre débutant qu'il était, il devait faire honneur à sa meute. Se montrer fort, fière de qui il était.

« Que puis-je faire pour toi, vagabond. »

Son ton, non pas empreint de mépris, mais plutôt de l'amertume lourde d'un serpent à sonnette résonna dans l'air quelques secondes. Non pas froid. Glacial. Il n'aimait pas et ne voulait pas être aimé. Il voulait juste ramener ce qui appartenait dès à présent à sa meute, à sa meute.

« Si tu comptes profiter de mon jeune âge pour me voler une proie aussi grosse, tu te fourre la patte dans l'oeil. Et bien que nous soyons sur une terre neutre, je n'hésiterai pas à donner ma vie pour l'objet de ma meute.»

Haussant les sourcils d'un air interrogateur, son regard toujours dans le même ton, il étudia quelques instants le loup devant lui. Une grande balafre rayait son museau alors que son poil portait la force de l'âge. Il était sûrement plus fort et plus expérimenté que lui, alors il préféra revenir vers sa proie, le fixant du coin de l'oeil et, il fit semblant de tirer la bête sur un petit mètre, en profitant pour la marquer de nouveau ; la marque ne faisait pas effet quand la bête passait de vive à morte.

Puis il revint quelques instants plus tard vers le canidé, la force de la détermination dans le regard. Non, jamais il ne l'aurait. Il faudrait lui passer sur le corps.

[Papy ?]

[Kinaï réponse ou pas réponse ?]

Je lock, les deux étant inactifs.