Qui n'en a jamais rêvé ? Tout arrêter, remettre les compteurs à zéro, commencer une nouvelle vie ? On pense toujours que ce n'est pas possible. Mais la seule chose qui rend cette utopie impossible, ce sont nos enracinements, ces terres qui nous ont vus naître, ces êtres qui nous connaissons depuis toujours. Et la seule façon de la rendre possible et de détruire et rendre à néant tous ces liens qui nous retenaient prisonnier. Une chose loin d'être facile. Mais après tout, la vie est si coutre, si éphémère, si fragile. On croit tout contrôler, tout savoir. Puis, vient ce jour où l'on comprend, où l'on se rend compte du temps perdu.

Ce fut le choix de Daenerys : briser ses chaînes. Elle avait pris la décision de dire merde, de tout foutre en l'air et de partir. Elle l'avait fait, à sa manière. Violente, incontrôlable, monstrueuse. Avait-elle des remords ? Des regrets ? Non. Bien sûr que non. Elle était même fière de ses actes, de ses paroles, puissantes et blessantes. Jamais, au grand jamais, elle ne s'était sentie si légère, comme libérée d'un boulet enchaîné à elle. Au fond, c'était un peu le cas. Tout cela n'avait été qu'un poids, traîné depuis sa plus tendre enfance.

Et la voilà, après plusieurs mois de vagabondages, sur de nouvelles terres. Les terres du Kô. Mystérieuses, imprévisibles, pleines de secrets et de légendes. Elle n'a pas eu grand mal à intégrer une nouvelle meute. Shadow, maintenant, elle était. Pourquoi celle-ci ? « C'est une bien bonne question ! », vous répondrait-elle. « Certains choix n'ont pas d'explications. Ils sont. Rien de plus. Naissants d'un sentiment d'appartenance, de juste place, ou de justice. »

Depuis plusieurs jours déjà, la louve grise visitait les terres du Kô, fraudant parfois même pour apercevoir les terres des meutes voisines. A l'instant, elle avançait sur le territoire de sa nouvelle meute. Sur Son territoire à présent. La forêt qu'elle traversait était certes pleine de verdure, mais la vie animale semblait inexistante. Les lapins se terraient, les oiseaux se taisaient, les prédateurs se cachaient. Rien d'autre que la crainte ne régnait ici quand les loups Shadow passaient, aussi sanguinaires et cruels étaient-ils.

Daenerys, avançant d'un petit trot gracieux et aérien, atteint une clairière lumineuse, baignée par le soleil encore jeune. La louve aux iris sanguins ralentit le pas lorsqu'au milieu de ladite clairière, elle aperçut un louveteau. Et merde ... Un grondement sourd, presque étouffé, s'échappa alors de sa gueule. Le louvart, frêle et maigrelet, semblait si fragile, particulièrement ridicule face à Daenerys, aussi et grande et imposante pouvait-elle être.

Le louveteau, les pattes sur ce qu'il restait d'un simple papillon, hérissa son poil, découvrant ses petits crocs inoffensifs. Enfin, on s'avouera tout de même que, même s'ils ne sont pas bien dangereux, ils font parfois sacrément mal ... « Hé ! Doucement ! Je ne suis qu'un louveteau de ton clan ! » Couinât-il avec férocité. Daenerys hochât la tête et lâcha un rictus. Il fallait avouer que le louvart n'était pas bien farouche. C'était bien un shadow, ça.

« C'est vrai ... »

La grise posa son arrière-train sur le sol et examina le louveteau avec plus de précision. Il était particulièrement fin, insignifiant même. Son pelage, d'un blanc immaculé, n'était pas bien épais non plus. Une chose frappa la jeune louve. Ses yeux. D'un rouge éclatant, profond, sanglant. Les mêmes que possédait Daenerys. Il semblait aussi que le louvart était albinos, chose bien rare.

« Et, dis-moi, quel est ton nom ? »

Ce louveteau faisait bien rire Daenerys. Il essayait, tant bien que mal, de s'imposer et de montrer qu'elle ne pouvait pas lui faire de mal. Pourtant, il était si insignifiant et si elle le désirait vraiment, la louve n'en ferait qu'une bouchée. Certes, il était ridicule. Mais, ne vaut-il pas mieux être ridicule qu'ennuyeux à mourir ? « Furor, et vous ? » dit-il calmement.

« Daenerys. » répondit machinalement la grise.

De toute évidence, Daenerys n'aimait pas les louveteaux. Bruyants, toujours pleins de questions, faibles, et forcément, pas autonomes. Mais, à celui-ci, elle ne ferait pas de mal. Elle n'en avait pas l'envie. Et, ce fameux Furor l'intéressait. Pourquoi ? Elle n'en savait rien, en vérité. Parfois, certaines personnes nous sembles intéressantes, d'autres totalement ennuyeuses, et on ne sait véritablement pourquoi.

« Furor ... » se répétât-elle. « Je suppose que pour faire partie des Shadow, tu dois bien porter ton nom. N'est-ce pas ? »

[Oulah, désolée de mon absence et de ne pas avoir répondu au RP ! Mais, entre les fêtes, puis la reprise des cours avec le brevet blanc et mes oraux, j'ai totalement oublié ! Néanmoins, si tu veux continuer le RP, je suis là cette fois ]

Alors que la grise le fixait de ses grands yeux rouges, le petit sembla avoir comme un frisson dans le dos, finissant par ranger crocs et griffes. Il fallait bien qu'il se rende compte qu'il ne faisait pas le poids. Un simple louveteau, qui intriguait étrangement Daenerys, et qui semblait particulièrement méfiant face à elle. Au fond, il avait bien raison de rester sur ces gardes. Lunatique, impulsive, violente. Comment faire confiance à un être tel qu'elle ? Même les personnes les plus proches d'elles gardaient une certaine distance, toujours sur leurs gardes. Car, aussi loyale pouvait-t-elle être, elle n'en restait pas moins une éternelle rancunière qui s'énervait à la moindre parole de trop. Que des défauts, me direz-vous. En vérité, c'est ce que Daenerys avait toujours pensé. Elle ne s'était jamais vue la moindre qualité. Pourtant, elle en avait, comme chaque être en ce vaste monde. Sa franchise, sa loyauté (quand elle le veut bien, je ne le cache pas), peut-être aussi sa beauté. Fallait-il aussi rappeler qu'elle aurait été capable de mourir pour ceux qu'elle aimait, même si ceux-ci n'était pas nombreux.

Alors que la shadow prononçait le nom du louveteau, celui-ci fronça le museau, méfiant, comme s'il appréhendait la suite de sa phrase. Elle continua, calme et impassible, et lui se tut. Il la fixait du regard. Un regard empli de méfiance et de défiance. « Que me veux-tu ? » demanda-t-il sèchement. Daenerys hochât la tête, le fixant un long moment. Les minutes défilèrent avant que la louve ne réagisse, lâchant un simple rictus.

« C'est une excellente question ! » s'exclama-t-elle, presque joyeusement.

La louve se fit attendre, laissant place au silence oppressant et tortueux.

« Vois-tu, en temps normal, je n'apprécie guère les louveteaux : naïfs, envahissants, dépendants. Et j'ai souvent plus envie de les dévorer que de jouer à la nounou, même si je m'abstient pour éviter le courroux des parents désemparés. Enfin, ils n'ont qu'à mieux surveiller leurs rejetons ! » Daenerys marqua un petit temps de pause. « Mais toi, petit Furor, tu m'intrigues. Ou, disons plutôt que je n'ai pas la moindre intention de te faire du mal. »

Le louvard attendait impatiemment que Daenerys daigne l'éclairer, fixant les yeux sanguins de la Shadow. Ceci fait, lui-même mit un temps interminable à répondre, plongés dans ces pensées. « Et pourquoi donc ? » l'interrogea-t-il, la fixant d'un regard malicieux. La raison ? Parce que Daenerys le trouvait différent. Il semblait avoir quelque chose de plus que les louveteaux que la louve avait connu. Quoi ? Elle n'en savait trop rien.

« Tu as quelque chose ... De plus. »

La grise le dit avec un tel naturel qu'elle en fut presque déstabilisée. C'était si rare qu'elle prononce ce genre de choses, et ça devait bien être la première fois qu'elle disait ça à un louveteau. Mais, Daenerys voyait en lui ... Elle n'en savait rien en fait. Rien du tout. Et c'était certainement ça qui l'intriguait. Peut-être que ce n'était rien, qu'un sentiment mensonger. Mais au moins, cela allait sans aucun doute sauver Furor des crocs de l'impatiente Shadow.

Le louvard semblait quelque peu déstabilisé par les mots de Daenerys. Il se tourmentait pour essayer de deviner, comprendre ce qu'il avait "de plus". La louve l'aurait bien éclairé, mais elle même n'en savait rien. Peut-être était-ce simplement l'humeur du jour de la grise. Peut-être bien que le lendemain, si elle venait à recroiser le jeune Furor, la situation serait totalement différente.

Le louvard continuait de fixer les yeux sanguins de Dany, avant de prendre un petit air ironique. Il bondit soudainement vers le ciel, si rapidement que la Shadow n'eut presque pas le temps de le voir. Alors, le louveteau faible et maigrelet disparu, se métamorphosant en un aigle majestueux au pelage noir de jais. Si noir que l'on ne croyait voir qu'une ombre. Il tournoyait quelques instants  sous le soleil brûlant. Furor était encore jeune, et l'on voyait bien qu'il contrôlait encore mal sa seconde forme. Il revint finalement vers la terre ferme, laissant de nouveau place au louvard blanc. « Alors ? » demanda-t-il simplement.

« Je dois avouer que ta seconde forme est remarquable ! » rétorqua la louve, enthousiaste. « Dommage que tu aies du mal à la contrôler. Tu devrais t'entraîner, tu sais ! »

En effet, car c'était le genre de pouvoir qui pouvait vous sauvez la vie. Et qui pouvait aussi être d'une utilité remarquable, pour le chasse par exemple.

Maintenant que le jeune Furor lui avait montré son pouvoir, la louve supposait que c'était à son tour de dévoiler le sien. Mais comment ? Elle ne pouvait l'utiliser sur le louvard, au risque de le faire souffrir. Et, jusqu'à preuve du contraire, ce n'était pour le moment pas son intention. Daenerys reposa son regard sanguin sur le jeune loup, attendant qu'il rétorque, qu'il réagisse, ou qu'il lui demande pourquoi elle ne montrait pas son don.

« Oui je sais. Mais le problème, c'est que l'on ne m'a pas encore trouver de mentor... » avait-il répondu après s'être secoué. Certes, mais ce n'était certainement pas un loup qui lui apprendrait à dominer les airs. La louve lui souris et rétorqua :

« N'attends pas un mentor pour t'apprendre à voler, à moins que tu ne tombes miraculeusement sur un loup qui ait un pouvoir similaire. Car, comment un être de la terre pourrait t'apprendre à dominer les cieux ? Observe les oiseaux, leurs mouvements, leurs manières de suivre les courants. Essais, fais des erreurs, dépasses tes limites. Comment crois-tu que les jeunes oiseaux apprennent ? Un jour, ils bondissent de leur nids et prennent leur envol. Les premiers vols sont désordonnés et peu gracieux, mais ils dépassent vite leurs aînés. C'est une chose inné, instinctive. Tu trouveras, crois-moi. »

Encore une fois, Dany disait le fond de sa pensée. Et elle espérait bien que ce jeune loup fasse le grand saut. C'était une chose qui faisait partie de lui, et il pouvait apprendre à la contrôler. Comme Daenerys l'avait fait. Personne ne l'avait jamais véritablement aidé à contrôler son don. Elle avait dû se débrouiller seule et apprendre de ses erreurs. Nombreuses d'ailleurs. Et parfois irréparables.

« Et toi ? ton pouvoir ? » demanda-t-il, relevant ses yeux vers la Shadow. Mais encore une fois, Dany ne savait pas quoi faire. Elle promenait ses yeux sanguins de part et d'autre de la clairière, à l'affût d'une quelconque petite bête. Rien à faire, à part des fourmis qui passaient non loin des deux Shadow, il n'y avait rien à ... Si ! Là ! Un corbeau venait tout juste de prendre son envol. La louve se sentait un peu mal d'agir ainsi après lui avoir parlé des oiseaux, mais s'il tenait tant à une démonstration. Daenerys posa son regard sur l'oiseau qui croissait, se concentrant, vidant son esprit. Les ailes du volatile cessèrent de battre peu à peu, le faisant dégringoler au sol. Il essayait de se débattre, croissant de plus belle. Mais ce que l'on entendait à présent dans la voix stridente de l'animal, c'était simplement la douleur et la souffrance. La grise détourna son regard, le reposant sur le jeune loup qui observait la scène. Le corbeau de malheur ne bougeait plus, tentant de reprendre sa respiration, comme un poisson hors de son bocal.

« Désolée de m'être servi de cet oiseau, mais c'était soit lui, soit toi. » dit-elle sèchement.

Dany n'ajouta rien de plus. Car il n'y avait rien de plus à dire. Son pouvoir était abominable, seulement créé pour la souffrance. Et il ne confirmait que ce qu'était la louve. Non pas qu'elle en avait honte. Non. Elle assumait cette horreur, tout autant que les crimes qu'elle avait pu commettre. Mais cela ne méritait aucun mot.