Oh tiens, il neige !

C’était… Surprenant. Zarys tâta la fine couche de blanc du bout de la patte, perplexe. Il n’en revenait tout simplement pas. Il neigeait sur les terres du Kô. Et il était là. Deux faits qui, enfin, étaient conciliés. Le vagabond solitaire en rêvait depuis tout petit. Voir l’hiver s’étendre sur  ces terres magiques, ces mêmes terres qui avaient bercé les contes et légendes que lui racontait sa mère lorsqu’il était tout petit. Ces histoires qui lui avaient forgé l’imaginaire et développé ses rêves, avant qu’il ne plongeât dans les ténèbres de la rancune et de la haine.

Zarys regardait d’un œil émerveillé les paysages enneigés s’étendre devant lui, et se dérouler sous ses pattes. Il sourit, et pour une fois, un véritable air ébahi et joyeux étira son museau. Tout pimpant comme un  louveteau, il se dirigea vers la grotte la plus proche. Une immense cavité translucide, à atmosphère pure et cristalline, s’ouvrit à lui. Sans bruit, et sans départir de son air d’enfant comblé, il laissa ses pattes le guider au travers d’immenses stalactites transparentes. Fines, tranchantes et redoutables comme des lames de glaces, elles n’était pas pour le moins menaçantes. Juste magnifiques.

La loup au pelage gris argenté demeurait sans voix, pourtant, il savait que s’il élevait la voix, ne serait-ce que pour japper ou chanter, toute la cave raisonnerait et vibrerait également. Ses pas, déjà feutrés et à peine amorti par le sol doux, où la glace était recouverte par la neige qui avait pénétré à l’intérieur, semblaient avoir été décuplés. Comme si l’espace qui l’entourait jouait le rôle d’une immense caisse de raisonnance. Comme s’il était à l’intérieur d’un énorme instrument de musique, et qu’il en était le musicien. Le maître. Une seule décision, et c’était lui qui lançait la musique et ouvrait le bal. La grotte n’était qu’un intermédiaire qui pourrait transcender son vibrato, sublimer son chant et le faire porter jusqu’aux étoiles.

Il était le maître. Il l’avait toujours été. C’est un fait qui ne changera jamais. Pas même une certaine louve aux yeux si particuliers pourrait lui aliéner cela. Il tenait trop à son indépendance et à sa liberté.

Il s’appelait Zarys, et être vagabond solitaire était devenu pour lui comme une seconde nature.

C’était le fils du vent, héritier des Ouragans et des tempêtes, rival de la Vie, prince des survivants et roi des âmes perdues.

Spoiler:

Trop Longtemps. Cela faisait trop longtemps qu'elle se morfondait, et elle avait attendu trop longtemps. Depuis qu'elle avait croisé le chemin de ce solitaire, elle ne parvenait plus à l'oublier. Elle lui avait tourné le dos, alors même qu'il s'était servi de gibier sur ses Terres. Elle l'avait laissé sauf, sans même chercher à le maîtriser, quand bien même il lui avait tenu tête. Qu'avait-elle fait ? Elle avait attendu trop longtemps avant de le chasser. Et désormais, il la hantait. Son regard. Son caractère. Son Histoire. Il était comme elle. Ils se ressemblaient. Mais Myosotis rejetait la moindre émotions le concernant, sauf la haine. Et pourtant, rien que son nom la faisait frémir. Elle qui s'était juré de ne jamais dépendre de personne !

Alors même que le soleil était à peine levé, elle courait déjà. Depuis la nuit. La jeune Alpha avait commencé par faire le tour de son Territoire, chose qui avait amené l'aube à se lever. Et depuis, elle chassait. Enfin, c'était ce qu'elle se donnait comme excuse. Ni plus, ni moins. Mais ces immensités de glaces blanches lui plaisaient. Parce qu'elles étaient hostiles. Comme elle. Parce qu'elles étaient magnifiques. Comme elle. Parce qu'elles étaient libre. Comme elle.

Le Souffle à peine court après plusieurs heures de vagabondage - l'entraînement portait ses fruits - Myosotis ralenti sa course. Juchée là, sur rocher gelé, elle observait. Scrutait. Il n'y avait personne. Personne pour la déranger. Personne pour lui rappeler. Était-ce son instinct qui l'avait amené ici ? Parfois, l'infime idée qu'elle cherchait quelqu'un lui venait à l'esprit. La ridicule pensée qu'elle LE cherchait, lui, et pas un autre. Mais elle repoussait cette idée en grognant de rage.

Soudain, un mouvement attira son regard d'aigle. Un petit groupe de masses sombres venait de surgir de l'ombre d'un glacier. Une horde de rennes, ou de cerf, quelque chose de ce genre, sans nul doute. De quoi faire un bon repas. Et de quoi nourrir plusieurs louveteaux. Il n'y avait pas une minute à perdre, ils avaient déjà beaucoup d'avance. La louve de neige s'élança en bondissant de son rocher, allongeant ses foulées, semblant presque voler tant ses muscles puissants la propulsait. Sa robe immaculée la confondait dans le décor, et brillait doucement. Elle se rapprochait. Le Vent venant d'en face, le troupeau ne l'avait pas perçu. Quand enfin une bourrasque emporta son odeur, la horde se dispersa.

Alors même qu'un petit et sa mère étaient à sa portée, Myosotis choisit d'office un cerf plutôt gras, prometteur d'une viande tendre et délicieuse. Il tourna sur sa gauche, tentant de la semer. Mais il n'y parvînt pas, Myosotis le rattrapait presque. Soudain, il bifurqua une nouvelle fois à gauche, brusquement, et s'engagea dans une étroite faille de glacier. Sans aucune hésitation, la Shadow le suivit, les yeux brillants. Elle aimait cette sensation de domination. Parce que le cerf ne pourrait lui échapper.

Il était là, devant elle. Le bruit de ses sabots résonnait comme un tambour dans cet immense couloir. Celui des foulées de Myosotis aussi, dans une moindre mesure. Elle avait tellement travaillé à se déplacer discrètement qu'elle faisait moins de bruit que la plupart des loups. Et désormais, elle courait rapidement, tournant habilement dans le dédale de glace, tandis que le Rennes tentait désespéramment de la semer, en frappant fort chacun de ses foulées, produisant un bruit assourdissant de galopade.

[C'est Parfait ♥]

C’était  exceptionnel. Une telle grotte, si merveilleuse et magique sur les terres du Kô, mais hélas accessible uniquement en hiver.  Mais que c’était merveilleux !

Il aurait pu chanter des heures parmi la glace, observant son souffle gorgé de condensation et de buée s’envoler parmi les stalactites gelées. Lorsqu’il était petit, il s’imaginait que ce souffle d’hiver était son pouvoir, et que le cracher sur la neige suffisait à la faire fondre. Un véritable petit dragon. C’était lors de son premier hiver, passé sans sa mère. Encore innocent et pas encore abîmé par la haine, il s’émerveillait du monde qu’il découvrait avec ses petits yeux d’enfants, jouant avec ce qu’il trouvait,  imaginant des histoires dont il était le héros.

Puis son premier hiver arriva, et lui congela toute sa naïveté. Les temps durs lui rappelèrent l’abandon de sa mère, et la saison froide le fit sombrer dans une rancœur sans fond. Il apprit à mater les éléments, dompter son destin et ignorer ce que la vie prévoyait pour lui. Il ne se laissera pas avoir. Il aurait du mourir; Mais il est là, c’est un paria, un survivant.
Personne, sauf Mad, ne lui vint en aide dans le passé. Zarys avait toujours grandit seul. Vécu en solitaire. Cette vie lui convenait ; il ne voulait plus jamais accorder sa confiance à quelqu’un. Personne ne méritait sa considération. Personne ne méritait de devenir son ami. Ils étaient bien trop faibles, tous. Zarys avait bafoué les règles en survivant dans cette grotte. Les autres s’étaient contenté de vivre douillettement, et de suivre leur chemin tout tracé. Alors que lui devait tout faire lui meme, puisque la Vie et le Destin n’avaient pas prévu pour lui autre chose qu’une mort prématurée.

C’était un battant. Il croyait être le seul.
Mais il l'a rencontré. Elle n’était pas faible. Le sang d’Alaska coulait dans ses veines, certes. Mais elle avec ce quelque chose qui faisait qu’elle était comme lui. En marge de la société. Au dessus. Ils étaient de cette race de Dominants naturels, les forts par nature ou par destin, ceux qui se sont déjà imposés alors que tous les autres restent passifs. Zarys avait pris le pouvoir sur sa vie : Elle, avait fait de même avec la sienne –et avec sa meute.

Pourquoi ses pensées revenaient toujours sur cette louve ? Lui, égotiste, l’égocentrique, le solitaire indépendant et libre ? Pourquoi cette louve revenait sans cesse dans son esprit ? Il avait violé l’Ordre des choses en restant en vie. Et s’était promis de pourrir celles des autres, trop douces. Et là, c’était Elle qui la lui pourrissait. Le pire, c’était l’état dans lequel elle le mettait. Bien. Il était horriblement bien lorsqu’il pensait à elle. Apaisé. Soulagé de ne pas être le seul battant sur cette terre, le seul qui en vaille la peine.

Il cracha par terre, soudainement dédaigneux. Pourquoi elle ? Toujours, et encore elle ? Alors que juste avant, seul son propre état l’importait ? Il ne s’était jamais soucié des autres. Sauf pour s’assurer de leur douleur, et de leur souffrance. Il la haïssait. Pour ce qu’elle avait fait de lui. S’il la retrouvait un jour, la provoquerait-il en duel ? Il ne cherche pas le pouvoir; Il l’a déjà. C’est un Fort, un Puissant. Pas comme ces Wind de pacotilles ou ces Fire qui ne valent pas un copec de plus. Les Shadow ? La famille d’Alaska relève le niveau.  Un peu.

Non, il était seul dans son monde.  Un vaste monde, beau et pur. Qui n’est pas souillé par ces Faibles. Et il ne laissera jamais personne y rentrer. C’était son chez lui, sa terre d’asile. son refuge.  Au loin des bruits de tambours virent frapper en rythme, comme pour appuyer ses idées et ses pensées. Un son cadencé, précis, et plein de profondeur. Raisonnant. Et de plus en plus proche.
Zarys fronça les yeux. Il n’était pas seul dans cet endroit. Apparemment, tant qu’il resterait sur les terres du Kô, il ne le serait jamais vraiment. Il soupira, et tenta de distinguer la chose. Un petit son pimpant, à peine discernable lui faisait écho, comme étouffé. Des sabots, en fait. Une course poursuite, donc.

Le vagabond eut un sourire mauvais. Pouvait-il aller gâcher cette chasse ? Tuer  le chasseur, et manger la proie  ?
Palpitant. Mais non. Il n’avait pas envie de se mêler à cette course. Ce chasseur, ce veinard. Il vivra un peu plus longtemps. Tant pis. Zarys avait besoin d’être seul. Il voulait le calme pour faire le point.

Trois foulées. Deux. Une. Myosotis se rassembla, puis bondit puissamment, attrapant sa proie avec souplesse, et la faisant basculer sur le côté d'un puissant coup de rein. Alors que cette dernière se débattait, elle plongea ses crocs puissants dans la gorge de sa victime, et y mordit de toutes ses forces. Le Sang se mit à couler à flot, et très vite, la bête ne bougea plus. Une lueur sanguinaire brillait dans les yeux de la louve. Son pelage auparavant immaculée était désormais tâché de sang. Mais elle s'en fichait. Qu'on la craigne. Qu'on la redoute. Ce serait la plus sage décision.

Se trouvant encore dans un étroit passage de la faille, elle saisit sa proie, et commença à la traîner vers un endroit plus large, où elle pourrait se coucher à sa guise. Le cerf était lourd, mais elle peinait à peine tant ses muscles étaient rôdé à ce genre de chose. Elle était faite pour tuer. Elle était une machine de guerre. Arrivant dans une petite cavité, elle lâcha sa proie, et s'allongea à son aise.

Plongeant le museau dans la chair fraîche, elle se mit à déchirer la viande avec plaisir, savourant chaque bouchée. Le Museau plein de sang, le poitrail tâché, elle releva soudain la tête. Elle n'était pas seule. Il y avait quelqu'un. Très proche. Se relevant d'un bond, elle grogna. Elle avait horreur d'être dérangée de cette manière. Surtout quand elle reconnut l'odeur. C'était lui. Lui qu'elle avait banni. Lui qu'elle rejetait vainement. Alors, la voix puissante et pleine de colère et de rancœur, elle héla :

« Tu as tellement peur de Moi que tu te caches ? Tu n'es qu'un lâche, Zarys !»

Il en avait besoin, de ce silence. Pour réfléchir. Faire le point.
Prendre de la distance quant aux récents événements. Il pensait à Elle. Comme il l’a haïssait de le rendre aussi faible ! Il valait toujours mieux que tous ces autres faiblards de meute, certes. Mais Se savoir affaiblit par une seule louve, même Elle, lui était insupportable. Elle qui l’avait banni. Il n’en avait absolument rien à faire, de ce bannissement.  Il n’allait pas se laisser dominer par quelque loi. Les contraintes, il les outrepassait. Ç’a toujours été ainsi, si bien que c’en était naturel. Personne ne lui avait jamais posé de règles. Il se les ai défini lui-même, au fil de ses mois de solitude. Et il était le seul maître de son chemin. IL suivait ses propres lois, et ne respectait que ses règles du jeu.

Alors Alpha ou non, Elle n’avait rien à lui ordonner. Il avait été sur ses terres, mais il s’en fichait. Lui n’avait rien, n’était qu’un vagabond sans famille ni territoires. Alors dans toutes les régions qu’il traversait, il s’en tamponnait le derrière de savoir qui commandait qui, et à qui appartenait tel buisson ou  tel gibier. Et les Shadow n’en faisaient pas exception. Ils étaient plus ses hôtes qu’il était un intrus.

Perdu une nouvelle fois dans ses pensées, Zarys n’avait pas entendu la mise à mort du gibier qu’il avait entendu tout à l’heure. Ni du loup qui traînait sa carasse dans une cavité proche de celle du vagabond. Il ne dit rien, se contentant d’observer un silence quasi-religieux. Peut être le loup voulait-il simplement cacher son butin pour revenir plu tard se servir. Ou juste pour aller chercher des renforts pour remmener l’animal abattu au campement de la meute.
Et là, Zarys pourrait aller se servir. Tout seul, comme un grand. Il était même assez fort pour transporter du gros gibier en solo, et aucune bête ne lui faisait peur. Il avait vécu seul suffisamment longtemps pour être parfaitement autonome .

Mais le loup ne s’en alla pas. Au contraire, ses pas se rapprochèrent. Zarys se tendit, et chacun de ses muscles s’arquèrent, près à attaquer. Il tuerait le loup en un seul coup au besoin. La fourrure du tueur, tachée de sang apparue bientôt. Il fonça les sourcils, reconnaissant cette silhouette.
« Tu as tellement peur de Moi que tu te caches ? Tu n'es qu'un lâche, Zarys !»

Hérissé par Sa voix, le loup décida néanmoins de ne pas réagir. Toujours couché négligemment  dans la fine couche de poudreuse qui recouvrait le sol, il opta pour une attitude sûre et complètement je-m’en-foutiste. D’une voix amusée et désinvolte, mais néanmoins froide.
«Myosotis… Bonjour à toi aussi, quelle joie de te revoir ! »

Il ajouta avec un sourire en coin, provocateur :
« Lâche dans quel contexte ?  N’est-ce pas toi qui cherches à m’éloigner de tes terres ?»

Il était là, couché négligemment. Il ne prit même pas la peine de se relever, et son ton était désinvolte lorsqu'il répliqua :

« Myosotis… Bonjour à toi aussi, quelle joie de te revoir ! Lâche dans quel contexte ? N’est-ce pas toi qui cherches à m’éloigner de tes terres ? »

La louve grogna de plus belle. Comment pouvait-elle l'apprécier ? Il était tellement pitoyable et stupide ! Pourtant, elle n'en démordrait pas. Parce qu'elle le connaissait, comme il la connaissait. Ni l'un ni l'autre n'était du genre à lâcher prise, et tous deux voudraient avoir le dernier mot. Cela durerait longtemps. Et qui sait comment cela se finirait. Pourtant, alors que lui semblait vouloir plaisanter sans prêter d'importance à tout ça, Myosotis n'avait aucune envie de rire, et sa voix était glaciale quand elle parla :

« Ne joue pas avec Moi, Zarys. Tu sais à quel point je suis redoutable. »

Elle n'entendait pas par là qu'il était faible, mais plutôt qu'elle était aussi douée que lui. Il ne s'en sortirait pas si facilement.

« Crois-tu réellement que je te craigne ? Tu ne représente pas une menace. Loin de là. Se débarrasser de Toi ne serait pas la chose la plus ardue qu'on m'est donné de faire. Simplement, tu crois pouvoir jouer le même jeu avec tout le monde, bafouant les lois et ne respectant rien ? »

Myosotis était immobile, mais même tachée de sang, elle était magnifique. Aussi belle que sa mère, mais bien plus trapue. Une partie de la morphologie de son père. Ses yeux améthyste étincelaient d'une lueur peu commune de détermination et de sauvagerie. Ses crocs, quoi que moins dévoilés que les minutes précédentes, laissaient entrevoir une redoutable arme. Et même si sa voix n'était plus aussi froide, mais bien plus profonde que précédemment, la menace était toujours là, bien présente.

« Tu n'es pas le Maître ici, Zarys. Pendant longtemps, tu as pu aller et venir à ta guise, piétinant les règles et les lois de ceux à qui tu t'opposais. Mais sache que tout à une fin. Tu n'es pas chez Toi ici. Et tu ne fera pas exception aux règles. Nous sommes là depuis bien trop longtemps pour laisser un simple solitaire bafouer nos lois et nos frontières. Nombre de loups ont périt sous les crocs de ma famille pour lui avoir tenu tête. Tu as été épargné une fois, mais tu ne le sera pas une deuxième fois.»

La louve en face de lui le toisa d’un air dégaigneux.
« Ne joue pas avec Moi, Zarys. Tu sais à quel point je suis redoutable. »

ça, il n’en doutait pas. Il ne l’avait jamais sous-estimé, bien au contraire. Il l’avait classé parmi les forts, hissé à son niveau de Dominant Naturel. Il savait à quel point la louve était puissante. Dangereuse. Intéressante.
« Crois-tu réellement que je te craigne ? Tu ne représentes pas une menace. Loin de là. Se débarrasser de Toi ne serait pas la chose la plus ardue qu'on m'est donné de faire. Simplement, tu crois pouvoir jouer le même jeu avec tout le monde, bafouant les lois et ne respectant rien ? Tu n'es pas le Maître ici, Zarys. Pendant longtemps, tu as pu aller et venir à ta guise, piétinant les règles et les lois de ceux à qui tu t'opposais. Mais sache que tout à une fin. Tu n'es pas chez Toi ici. Et tu ne feras pas exception aux règles. Nous sommes là depuis bien trop longtemps pour laisser un simple solitaire bafouer nos lois et nos frontières. Nombre de loups ont péri sous les crocs de ma famille pour lui avoir tenu tête. Tu as été épargné une fois, mais tu ne le sera pas une deuxième fois.»

Cette fois, le jeune mâle se releva, mécontent. Son humeur badine et légère envolée, il avait perdu sa désinvolture, mais pas de sa superbe. Il plissa les yeux. La glace de la caverne et les reflets polychromatiques des stalactites lui donnaient un regard d’autant plus coloré qu’à l’accoutumée. Jamais ses prunelles n’avaient accueilli autant de couleurs d’un seul coup. A l’instar de la femelle en face de lui, Zarys était superbe, rayonnant de noblesse et de puissance.

Il leva la tête. Il la toisait, la jaugeait, sans la prendre de haut. Malgré toute l’animosité qui circulait entre eux, Zarys ne la prenait pas de haut. Myosotis était, et restera à jamais son égal. Elle méritait son statut de Dominant, et d’Alpha. Cependant, même avec tous les guerriers du monde derrière elle, la louve n’impressionnerait pas le vagabond. Il n’avait peur de rien ni de personne.

Sa voix raisonna dans la caverne, sans même qu’il n’eut besoin de hausser le ton.
« Avec ton statut, est normal que l’on te craigne. Mais Moi, je ne suis pas aussi faible qu’un loup lambda. Tu dis que je ne suis pas chez moi ici… Qui es-tu pour ne te baser que sur les Droits du Sol ? Je suis autant loup du Kô que toi par le Sang, Myosotis ! »

Il la regarda un instant, elle si belle dans sa fourrure écarlate, si majestueuse et impétueuse que c’en était presque insultant. Puis il plongea ses yeux sans couleurs dans les abysses améthyste de la femelle Alpha.
« Tu n’as pas à me chasser d’ici, et tu le sais. Cette grotte n’appartient pas à ta meute. Je ne respecte peut-être pas toutes les règles du jeu, mais j’en connais les lois. Et ce ne sont pas tes menaces qui vont m’empêcher d’accomplir mon Destin.  J’ai le droit de retrouver mes racines, comprendre mon Histoire et accomplir ma vengeance. »

Il haussa un sourcil :
« Sois tranquille, Myosotis… Je ne représente pas une menace… Ni pour toi, ni pour ta meute… Pour le reste… Je n’en serai pas aussi convaincu… »

Il eut un sourire mauvais. Il irait décimer les autres meutes, ces Faibles de Fire et ces Pitoyables Wind. Les Shadow ne l’intéressaient pas ; Ils étaient trop violents et combattifs pour avoir été le foyer de sa mère, cette faible louve. Tant que la meute de Myosotis restait hors de son chemin, le vagabond n’ira pas les embêter.

« Avec ton statut, est normal que l’on te craigne. Mais Moi, je ne suis pas aussi faible qu’un loup lambda. Tu dis que je ne suis pas chez moi ici… Qui es-tu pour ne te baser que sur les Droits du Sol ? Je suis autant loup du Kô que toi par le Sang, Myosotis ! »

Leurs regards se croisèrent. Il n'y en avait pas un plus majestueux que l'autre, mais ils dégageaient tous deux quelques chose de magnifique, plantés là, à se défier dans la plus immobile des luttes. C'était comme si le temps n'avait pas d'impact. Comme deux statues de glaces, immaculées, laissées intact par le temps. Deux regards si atypiques. Deux caractères si proches. Deux histoires si différentes. Et un Destin que rien ne laissait présager.

« Tu n’as pas à me chasser d’ici, et tu le sais. Cette grotte n’appartient pas à ta meute. Je ne respecte peut-être pas toutes les règles du jeu, mais j’en connais les lois. Et ce ne sont pas tes menaces qui vont m’empêcher d’accomplir mon Destin. J’ai le droit de retrouver mes racines, comprendre mon Histoire et accomplir ma vengeance. Sois tranquille, Myosotis… Je ne représente pas une menace… Ni pour toi, ni pour ta meute… Pour le reste… Je n’en serai pas aussi convaincu…»

Zarys eut un sourire mauvaise, tandis que leurs regards se sondaient. Myosotis ne pouvait le nier, elle admirait sa ténacité et sa désinvolture, mais cette façon qu'il avait de croire qu'elle le laisserait faire ne lui échappait pas. C'était un duel impassible. Implicite. C'était à qui ferait bouger l'autre en premier. Qui ferait faire le premier pas en arrière à l'autre.

« Avec mon Statut...Crois-tu qu'il me soit tombé dans les Pattes ? J'ai du me battre pour l'obtenir. Faire des choix et prendre des décisions qu'un loup ordinaire n'aurait pas pris. Je me base sur les Droits du Sol parce qu'il en ait ainsi depuis la nuit de temps. Les droits du sang ne suffisent plus, Zarys. Sinon, il y a bien longtemps que nos Meutes seraient en paix. »

Elle se tut un instant. Si seuls les droits du sang primaient, alors Sidka n'aurait jamais été chassée. Alors Alaska n'aurait jamais vu mourir sa mère sous ses yeux, si jeune et innocente. Elle n'aurait pas croisé la route de Nebraska. Et jamais elle ne serait devenu ce qu'elle était ; une des plus redoutables guerrières qui se trouvent sur ces Terres, mais aussi une louve brisée par son Passé, et hantée toute sa vie. La voix de la louve toujours aussi calme lorsqu'elle parla, mais légèrement amère, lorsqu'elle parla :

« Ne me parle pas des Lois d'ici, Zarys. Tu ne cesses de les piétiner.»

Une lueur farouche brilla dans ses yeux. Elle le haïssait et l'admirait à la fois. Comment était-ce possible ? Lui qui n'était qu'un solitaire, source de tant de problème. Et pourtant, à chacune de leurs confrontations, l'admiration de Myosotis ne cessait de grandir.

« Je n'ai pas l'intention de t'empêcher de réaliser ton Destin. Il ne regarde que Toi. Cherches tes Racines si tu le veux. Tu en as effectivement le droit. Il en est de même pour ton Histoire.»

Comme elle le comprenait. Chercher ses racines, son Histoire. D'où l'on vient. Pourquoi. A cause de qui. Tant de questions restées sans réponses pour bon nombres de loups. L'Histoire est ce qui fait une partie de l'identité. Sans identité, on n'est pas grand chose. Oui, elle le comprenait. Mais elle n'irait pas jusqu'à le laisser déborder sur sa propre Histoire à elle.

« Cependant, je n'avance rien pour ta Vengeance. Même si nous ne sommes pas impliquées dedans, je devine fort tes intentions. Et sache que, même si je les juge de haut, même si je ne les aime pas, les Fires et les Winds font partie de mon Histoire. Tu as le droit de te venger, mais je ne te laisserai pas tout détruire pour autant. La liberté s'arrête là où commence celle des autres. »

[J'aimeuuuuh   ]

Elle était trop impétueuse, trop Fière d’elle pour s’abaisser à un combat. Les coups sont les mots des faibles. Lorsqu’un loup ne sait plus quoi répondre à une provocation verbale, il se venge par la violence physique. Et c’est à ce moment-là, à chaque fois, que Zarys sait qu’il a gagné un affront. Manque de chance pour le loup en face de lui, le vagabond au pelage blanc était tout aussi redoutable au combat. Il laissait passer sa sauvagerie. Son Pouvoir.

Myosotis ne lâchait pas les mots. Elle était toute aussi redoutable que lui, tant à l’oral qu’en combat. Zarys n’en doutait pas. Et que la louve tienne aussi longtemps son calme et son impétuosité, c’était magnifique. Elle était impulsive et impitoyable, mais avait un self control hors norme.
« Avec mon Statut...Crois-tu qu'il me soit tombé dans les Pattes ? J'ai du me battre pour l'obtenir. Faire des choix et prendre des décisions qu'un loup ordinaire n'aurait pas pris. Je me base sur les Droits du Sol parce qu'il en ait ainsi depuis la nuit de temps. Les droits du sang ne suffisent plus, Zarys. Sinon, il y a bien longtemps que nos Meutes seraient en paix. »

Non, bien sûr que non. Elle n’aurait pas eu toute sa considération si son Statut lui était tombé tout cuit dans la gueule. Elle s’était battue pour l’avoir, pour se hisser à la place d’Alpha qu’elle possédait désormais. Rien que pour cela, pour cette force de caractère qui lui était propre, Zarys la respectait énormément.   Il jouait la désinvolture, mais au fond, il admirait son courage et sa ténacité.
« Ne me parle pas des Lois d'ici, Zarys. Tu ne cesses de les piétiner. Je n'ai pas l'intention de t'empêcher de réaliser ton Destin. Il ne regarde que Toi. Cherches tes Racines si tu le veux. Tu en as effectivement le droit. Il en est de même pour ton Histoire.»

Il eut un véritable sourire. Franc. Plein de reconnaissance.
Mine de rien, un sentiment étrange grandissait dans les tréfonds de son âme. Zarys sentait quelque chose qui lui picotait le ventre. Il ne haïssait pas Myosotis. Elle le laissait complètement indifférent. Tout à fait. Mais il ne voulait pas s’en faire une ennemie. Il savait à quel point elle était redoutable et dangereuse. Et même s’il aimait cela, il n’irait pas se frotter à elle sans raison. Non pas qu’il ait peur d’elle. Oh, que non, bien au contraire. Mais un certain respect s’était établit. Zarys ne voulait pas lui faire de crasse. Il ne voulait pas la mettre en porta faut non plus.
« Cependant, je n'avance rien pour ta Vengeance. Même si nous ne sommes pas impliquées dedans, je devine fort tes intentions. Et sache que, même si je les juge de haut, même si je ne les aime pas, les Fires et les Winds font partie de mon Histoire. Tu as le droit de te venger, mais je ne te laisserai pas tout détruire pour autant. La liberté s'arrête là où commence celle des autres. »

Il ferma un instant les yeux, laissant son odorat maitre de ses sens. Il renifla l’air pur et frais de la caverne gelée par de grandes inspirations calmes et mesurées. Il méditait. Myosotis avait parfaitement raison. Il n’avait pas non plus l’intention de décimer des meutes entières. Le massacre facile ne l’intéressait pas. Ni la tuerie gratuite et massive. Il aimait provoquer d’abord, et se battre contre un adversaire hargneux et plein de haine. Fou de colère, et donc plus facilement manipulable.
Il rouvrit les yeux, terriblement sérieux et paisible.
« Ne t’inquiètes pas. Il n’y aura pas de violence gratuite. Je suis peut être sans pitié, mais j’ai  des valeurs, et le Respect en fait partie…. A condition de le mériter, certes. Pour l’heure, je serai sage. Pour ma part, fouiller le passé n’a pas besoin de détruire quoique ce soit. J’aime trop ces Terres pour les souiller pas une attitude indigne. J’ai conscience de n’être qu’un simple vagabond à vos yeux… J’espère que le Kô saura m’accepter parmi ces royaumes.»

Il parlait de respect alors qu’il piétine les règles des Meutes. Il n’est tenu par aucun serment, certes, mais il gardait néanmoins un certain accord tacite avec son environnement. Pas d’abus, pas de saccage ou de tuerie sans raison. Il avait beau être sans cœur et sans pitié, il respectait les lois les plus élémentaires, respectait la Vie comme son environnement. Il n’était pas sans foi ni loi. Il était désinvolte, mais il ne s’abaissait pas à être un solitaire Faible et sans éducation.

Il eut un petit sourire sans joie :
« Vous autres ne connaissez pas la chance que vous avez de vivre en de tels lieux…. »


[Moi aussiiiiii   ]

Il ferma les yeux. Il savait que Myosotis ne ferait pas le premier pas. Elle n'était pas de ceux qui profitent de la moindre occasion pour saisir leur chance. Sa chance, elle la saisissait quand elle le voulait. Et rien ni personne ne l'arrêtait.

« Ne t’inquiètes pas. Il n’y aura pas de violence gratuite. Je suis peut être sans pitié, mais j’ai des valeurs, et le Respect en fait partie…. A condition de le mériter, certes. Pour l’heure, je serai sage. Pour ma part, fouiller le passé n’a pas besoin de détruire quoique ce soit. J’aime trop ces Terres pour les souiller pas une attitude indigne. J’ai conscience de n’être qu’un simple vagabond à vos yeux… J’espère que le Kô saura m’accepter parmi ces royaumes.»

Des Valeurs...Tous les loups avaient des valeurs, mais parfois différentes. Et c'était ces valeurs qui causaient toutes les Guerres et les Désaccord. Petit à petit, Myosotis changeait. Elle changeait d'état d'Esprit. Parce que Zarys lui ouvrait les yeux. Alors même qu'elle était hors d'elle lorsqu'il était arrivé, leur échange lui plaisait. Par sa nature. Par son niveau. Tous deux étaient du même sang. Du sang des vainqueurs, des puissants, qui ne craignent rien.

« Vous autres ne connaissez pas la chance que vous avez de vivre en de tels lieux…. »

De la chance ? Peut-être. Myosotis n'avait pas était né ici, et c'était sans doute une chance. Elle ne savait pas où Zarys était né, mais elle se doutait qu'il n'était pas d'ici. Et même si la louve de neige ne s'était jamais posé la question, elle savait que ses plus lointains Ancêtres vivaient déjà ici. Certes, Alaska avait quitté ces Terres un temps, mais elle y était née, et morte. Depuis des générations, le Kô réglait la vie de la famille de Myosotis. Et même si elle était violente, sans pitié, implacable, elle savait déceler l'honneur et le courage d'un loup. Elle savait se montrer clémente et patiente, douce et attentive, avec les louveteaux, mais aussi avec les loups qui le méritaient. Zarys étaient de ceux-là, désormais. Elle n'avait plus envie de le chasser. Elle était bien avec lui, et même si elle le repoussait encore, elle n'était plus hargneuse. Lorsqu'elle parla, sa voix avait changée. De l'extérieur, personne ne pouvait le voir, mais de l'intérieur, elle le savait. De même que l'éclat dans ses yeux.

« Le Kô t'as déjà accepté. Tu es de ceux qui ont le Sang pur, Zarys.»

Elle ne connaissait pas son pouvoir, mais ne doutait pas qu'il en ait un. C'était évident. Et même s'il ne le montrait pas, Myosotis était sure d'elle. Ses yeux ne pouvaient qu'être le signe qu'il était lui aussi un loup noble influencé par le Kô.

« Ma famille vit ici depuis la nuit des temps. Mes Ancêtres et leurs Ancêtres avant eux ont toujours patrouillé sur ces Terres, et se les sont appropriés. Mais tout est toujours remis en Cause, Zarys. Le Passé n'est jamais acquis, et le futur ne le sera jamais non plus. L'Histoire ne se terminera jamais. Elle a commencé il y a bien des Lunes, et nul ne peut prédire sa fin, pas même l'Ermite. »

Elle se tut. Au fond d'elle, son pouvoir vibrait, comme lorsqu'elle avait envie de l'utiliser, involontairement. C'était un instinct. Instinct auquel elle laissait rarement court. Son pouvoir devait rester caché. Il était redoutable, seulement si personne n'en avait conscience. Il était le meilleur moyen de toucher un loup dans ses racines, mais aussi le meilleur moyen de lui faire comprendre quelque chose. De lui transmettre un héritage.
Ils se dévisageait ainsi. Ce n'était plus un combat de titan, pas plus qu'une lutte acharnée. C'était simplement l'Histoire qui s'écrivait. Mot après mot, Page après page.

Il y eut n long moment de réflexion. Zarys se surprit à aimer passer du temps, comme ça, au calme. Sans animosité aucune, il partageait un instant précieux, plein de profondeur et d’importance. A l’instar de Myosotis en face de lui, le jeune vagabond au pelage blanc n’osa pas bouger, de peur de rompre l’harmonie du moment. Tout était paisible, tout était calme. L’environnement lui-même était propice à cet instant. Une grotte de glace, remplie de stalactites transparentes et magnifiques. Une grotte où le temps paraissait pur et immuable, comme s’il s’était arrêté dans ce lieu précis, comme s’il voulait justement que cet instant dure le plus longtemps possible.

Puis, Elle brisa le silence. Son regard avait quelque peu changé, moins agressif et haineux, peut-être. Zarys ne put s’empêcher de noter à quel point il était beau ; à la fois pur et mystérieux, profond et lumineux. A l’instar du lieu, Myosotis était paisible.
« Le Kô t'as déjà accepté. Tu es de ceux qui ont le Sang pur, Zarys.»

C’était sans doute la première fois qu’elle lui parlait d’égal à égal. Pas comme leurs autres rencontres, où Elle le considérait à juste titre comme un simple vagabond. Ou, affectée par la mort de sa mère, elle avait besoin d’un loup fort pour l’aider, sans se soucier de l’identité de ce loup, tant elle avait été occupée par son deuil.

Non, là, elle était dans son état normal. Quelque chose avait changé en Elle. En eux. Il était heureux de voir que l’Alpha des Shadows le reconsidère ainsi. Il en était même fier. Trouver des loups de la race des Forts n’est pas une tâche facile. Mais se faire apprécier par eux, créer des liens ; ça, c’était précieux. Il le savait. Et il l’appréciait. Zarys inclina la tête sur le côté en signe de respect. Quelque part, par cette phrase, Myosotis le reconnaissait comme étant l’un des leurs. Un loup du Kô.

A cette pensée, le pouvoir du solitaire se contracta, tout vibrant, comme s’il appréciait d’avoir été reconnu. Au même moment, Myosotis poursuivit :
« Ma famille vit ici depuis la nuit des temps. Mes Ancêtres et leurs Ancêtres avant eux ont toujours patrouillé sur ces Terres, et se les sont appropriés. Mais tout est toujours remis en Cause, Zarys. Le Passé n'est jamais acquis, et le futur ne le sera jamais non plus. L'Histoire ne se terminera jamais. Elle a commencé il y a bien des Lunes, et nul ne peut prédire sa fin, pas même l'Ermite. »

Il médita ces paroles, si justes, et si profondes de sens. C’était beau. Depuis quand était-il ému par de simples paroles ? En réalité, Zarys était ému, par sa rencontre avec Myosotis, le tournant qu’a prit leur conversation, le lieu si unique qui leur servait de décors en cet instant si unique.

Il sentait la femelle blanche en face d’elle irradier littéralement. Son pouvoir tout comme le sien, vibrait en elle. Ils vibraient, dansaient en eux à l’unisson, comme s’ils exécutaient un bal invisible. Il n’y avait pas de rivalité entre eux ; ils ne se livraient pas bataille, se contentant simplement d’onduler côte à côte. L’air semblait s’alourdir devant leur puissance. Même s’ils étaient invisibles, intangibles, ces pouvoirs les entouraient paisiblement, superbes.

Zarys sentait que le pouvoir de son interlocutrice était puissant. Dévastateur. Tout comme le sien. Il ignorait la nature de celui de la femelle, cependant. Peut-être que Myosotis aussi, sentait le pouvoir émaner du vagabond. Il n’osait rien dire. Tout comme tout à l’heure, il ne voulait pas rompre la magie de l’instant. Les yeux émerveillés par la scène invisible qui se déroulait entre eux deux, il était, une fois de plus ému par la situation.

Musique

Immobiles. Comme deux statues. Comme deux rochers présents depuis des millénaires. Blancs. Rouge. Magenta. Multicolore. Tant de couleurs dans si peu d'espace. Mais surtout tant de puissance et de beauté. Comme si chacun faisait rayonner l'autre. Comme la glace décompose et révèle les couleurs de la lumière. Comme l'océan rempli de merveilles. Comme un loup heureux. Ou presque. Car au fond, aucun d'eux ne l'était. C'eut été trop facile. Être heureux. Non. Chacun de ces titans avait ses problèmes. Ses Histoires. Son Passé. Un passé imposé. Un Passé rejeté. Un Passé indélébile. Comme pour tant d'autres loups. Eux n'avaient rien en commun dans ce passé. Il était étranger, vivant seul, sans foi ni loi. Elle était fille d'Alpha dans une Meute redouté. Il était cherchait ses racines. Elle avait déchiré sa famille.

Mais pourtant, ils n'étaient pas si différents. Tandis que chacun s'essayait à paraître supérieur, tandis que Myosotis tentait à le repousser parce qu'il était différent, ils ne faisaient que s'unir un peu plus à chaque fois. Tous deux immaculés. Tous deux puissants. Tous deux libres et sauvages. Une même vision des choses. Et plus le temps passait, plus Myosotis prenait conscience de ces ressemblances. Alors même qu'elle l'avait admiré pour son cran, puis rejeté et chassé pour son intrusion dans sa vie, elle le considérait désormais comme son égal. Mais se refusait encore à l'accepter. Elle s'était toujours jurée de se donner corps et âmes pour sa Meute, et de ne jamais s'enchaîner à ceux qu'elle aimait. Trop de fois déçue. Et voila que lui, solitaire et vagabond, venait tout remettre en question.

Leurs pouvoirs vibraient à l'unisson, comme une unique chose. Pourtant, aucun des deux ne connaissait le pouvoir de l'autre. Mais c'était la première fois que leur relation prenait un telle dimension. C'était un tournant. Décisif sans doute. Continuer à rejeter, à détruire, sans pouvoir revenir en arrière, ou accepter et prendre le chemin indiscernable du Destin. La puissance qui émanait d'eux, celle produite par leur pouvoir, leurs êtres tout entier, emplissaient la grotte de glace, et l'atmosphère était fondamentalement différent.

Alors même qu'elle était immobile, impassible, son regard figé dans celui de Zarys, son Esprit tournait avec vivacité. Elle devait faire un choix. Ils ne pouvaient pas rester ainsi, à se détester, puis à se comprendre, à fusionner ainsi. Non. Soit elle lui faisait clairement comprendre qu'elle ne voulait pas de lui, soit elle l'acceptait, implicitement ou explicitement.

Son pouvoir vibrait. Presque douloureusement. Comme si il était animé. Comme si il voulait quelque chose. Mais elle ne savait pas ce que c'était. Pourtant, elle décida de se lancer. D'ouvrir son Esprit et d'abaisser ses barrières. Parce qu'elle avait toujours prôné les choix libres, peu importe les conséquences. Et que Zarys n'irait pas jusqu'à chambouler ses plus profondes valeurs. Alors, toujours immobile, elle laissa son pouvoir déferler. Ou plutôt, elle le laissa s'immiscer peu à peu autour d'eux. Et bientôt, elle sentit une conscience, comme elle en avait l'habitude, à chaque fois qu'elle utilisait son pouvoir.

Mais cette conscience-là était différente. Si puissante qu'elle s'en sentit presque rejeté. Pourtant, elle maîtrisait son pouvoir à la perfection. Et elle traversa la barrière mental. Zarys devait comprendre et sentir, désormais. Mais elle ne lui voulait aucun mal. Elle se laissait seulement guider par son instinct. Peu à peu, doucement, elle se toucha l'Esprit de Zarys. La source même de toute personnalité. Ce qu'elle pouvait balayer en un instant, et par ce biais, réduire un loup à néant. Ce qu'elle pouvait consolider, renforcer. Ce qu'elle pouvait partager.

C'était avec douceur et précaution qu'elle parcourait les souvenirs de Zarys. Tant de souvenirs, douloureux ou malheureux. Pourtant, elle ne s'attarda pas. Il ne lui avait rien permis. Et même si elle n'utilisait son pouvoir que depuis une fraction de seconde, il sentirait. Elle ne voulait pas le vexer. Elle voulait juste...juste avancer. Alors, à son tour, elle partagea. Des souvenirs. Leur première rencontre. Leur deuxième. Son Histoire. Mais pas ses ressentis. Uniquement des images et des sens. Aucunes émotions. Il était trop tôt pour ça.

Ils étaient toujours en contact. Face à face. Mais l'un dans l'autre, cette fois-ci. Un lien invisible, unique, puissant et fragile à la fois. Un lien qu'un rien pouvait briser, les réduisant à néant. Un lien capable de les rendre invincibles, à deux. Elle lui avait montré la possibilité de l'immense pouvoir qu'ils pourraient représenter ensemble. Simplement montré. Elle n'avait rien dit, rien avancé. C'était juste une ébauche, une particule de ce qu'ils pourraient représenter.

Alors, elle se retira. Le monde lui paraît soudain plus vide et plus morne que l'instant d'avant. La conscience de Zarys l'avait illuminé. Elle ne l'oublierait pas, quoi qu'elle choisisse de devenir plus tard. Avec, ou sans lui. Elle ferma les yeux un instant, tentant de graver ce souvenir inaltérable, puis, laissant-là sa proie et Zarys, elle tourna le dos, et quitta la grotte d'une foulée souple et agile. Comme s'il ne s'était jamais rien passé.