Il était le roi du monde.

Perché sur un rocher un poil plus haut que les autres, Alinoë contemplait la crique d'un air hautain et satisfait. Il était arrivé au beau milieu de l'étendue d'eau, au dessus de la partie la plus profonde, en sautant de caillou en caillou. Et maintenant il surplombait l'endroit, s'imaginant d'innombrables loups à ses genoux, les yeux remplis d'un mélange de respect, d'admiration et de peur. En plein délire, le jeune loup noir se voyait faire taire la foule d'un mouvement de queue.

Alors qu'il était en plein monologue, une grenouille lui sauta sur le museau, le déséquilibrant. Alinoë vacilla, maudissant ce fichu amphibien de l'avoir interrompu. Quand le jeune loup toucha l'eau glacée de l'automne, il se promit du retrouver cette grenouille et de la trucider. Lentement.

Les yeux fermés, Alinoë se débattait dans l'eau. Evidemment, il était tombé à l'endroit le plus profond. Et il ne savait pas nager. Alors que le liquide glacé s'infiltrait dans son museau et dans ses yeux, et ses réflexes respiratoires reprenaient le dessus. Quand l'eau entra dans ses poumons, Alinoë se rendit compte de la gravité de la situation.

Si personne ne le sortait de là, il allait mourir.

Alors qu'il sombre lentement dans un état second, Alinoë distingue vaguement des sons étouffés, lointain. Réunissant ses dernières forces, il tenta de se battre, de remonter. Ce nouvel élan de courage ne lui venait pas d'un instinct de survie, mais plutôt du fait qu'il ne voulait pas être vu en si mauvaise posture. Ses futurs guerriers ne devaient jamais le voir en difficulté. Il allait cultiver cet image de loup-dieu aussi souvent que possible !
Mais pour le moment, il valait mieux ne pas trop penser a son honneur.

Il sentit tout a coup une force extérieure le soulever vers le haut en le tirant par la peau du coup, parvenant à lui sortir la tête de l'eau. Épuisé, Alinoë ferma les yeux. Il était entre la somnolence et l'évanouissement, ce qui était un état assez perturbant.

Des coups de langue vigoureux le sortirent soudain de sa torpeur. Voyant une louve inconnue couchée à ses côtes, le jeune loup bondit sur ses pattes, les poils gonflés par la colère. Il ne lui avait pas fallu longtemps pour se remémorer l'accident. Furieux de d'être fait aider et d'avoir ainsi montré sa faiblesse, Alinoë cracha, hargneux :

"Qu'est ce que tu fais là ?!"

Bon, sur le coup il avait rien trouvé de mieux à dire que cette question sans fondements. Mais il était fâché, voilà. Fallait pas l'énerver aussi.

Alinoë vit la sympathie s'éteindre dans les yeux de la louve pour laisser place à la colère. Il fit un petit sourire moqueur face à cette constatation. Comment énerver son adversaire en deux secondes. Bon, d'accord, on pouvait aussi dire comment se faire un nouvel ennemi en deux secondes. Mais passons.

"Non, mais dis donc ! Je te sauve la vie et c'est comme ça que tu me remercie ??? J'aurais dû te laisser te noyer !"

Sur ces mots, la louve lui tourna le dos et plongea dans l'eau, à l'endroit ou il était tombé. Comme pour le narguer. Agacé par la démonstration d'un talent qu'il ne possédait pas encore, le jeune loup noir détourna les yeux, préférant réfléchir à une manière de restaurer l'honneur qu'il avait perdu en se faisant sauver par cette inconnue.

En pleine réflexion, il ne remarqua pas la louve sortir discrètement de l'eau et s'approcher de lui. Au dernier moment, il se retourna par instinct, mais c'était trop tard. La louve posa sa patte sur l'épaule d'Alinoë. Alors que celui-ci allait contre-attaquer, pensant à une agression soudaine, l'inconnue recula brusquement. Le loup noir, décontenancé, fixa la louve. Celle ci semblait tout aussi désorientée que lui.
Et alors, elle fit quelque chose de totalement ridicule. Elle se mit à pleurer.

Alinoë jubila. Qu'importe ce qui pouvait l'avoir mise dans cet état, elle était en position de faiblesse, tout comme lui quelques minutes auparavant. Ils étaient quitte.
Le loup noir ne pu s'empécher de laisser s'échapper un ricanement moqueur.

"Alors comme ça t'as des crises de larmes ? T'es vraiment ridicule."

La remarque pourtant acerbe d'Alinoë n'eu pas l'effet escompté. Au lieu de s'enfuir en pleurant de plus belle, la louve leva les yeux encore remplis de larmes.

"Je sais ce que tu as vécu... Je connais ton passé ! "

Alinoë se figea. Que racontait elle ? Elle disait n'importe quoi, c'était impossible de lire le pas.. Ah. Oui. Ces fichus pouvoirs.

Hors de lui, Alinoë s'était mis en position d'attaque, toutes griffes dehors.

" Ta mère préférait ton frère. De ce fait, elle t'a toujours rejeté ! Voilà pourquoi, un jour, tu as décidé de tuer ton frère ! Et c'est ce que tu as fait... "

Alinoë, en rage, cria :

"Tu ne sais rien de mon passé ! Ton fichu pouvoir s'est trompé, je n'ai jamais voulu ça ! Tu dis ça seulement pour me déstabiliser !"

Le jeune loup tremblait de tout ses membres, littéralement en transe. Il sentait son sang bouillonner dans ses veines et n'avait qu'une seule envie : pulvériser cette louve qui l'avait énervé. Mais pourtant quelque chose l'empêchait de bouger, comme si il était paralysé.