Il planta ses yeux dorés dans les siens, de nouveau très très concentré, et extrêmement sérieux, si bien qu’Aquarelle oublia un instant qu’elle avait bel et bien affaire avec un jeune louveteau. Puis, de sa petite voix juvénile, le petit vagabond se présenta avec enthousiasme :
" Je m'appelle Kali ! Enchanté, Aquarelle ! "

Elle sourit devant tant de bonne humeur. Le petit louveteau s’appelait donc Kali. Simple, et court, ce prénom lui évoquait cependant une grande envie de liberté et de connaissances, de découvertes. Et en effet, Kali semblait vraiment être quelqu’un de très curieux. Et qui avait du mal à tenir en place, aussi. Car, il se mit sur le dos, et sembla vouloir battre l’air de ses pattes, comme s’il courrait à travers le ciel et les nuages. Puis, il ajouta, d’une voix polie et courtoise :
" Je venais souvent ici, avec mes parents ! On s'allongeait tous les trois et puis on regardait les nuages passés... Et on terminait la journée par une course-poursuite entre les arbres... "

Le sourire d’Aquarelle se fit plus triste. Elle regardait, sans rien dire, Kali qui se remémorait ces doux souvenirs, les paupières clauses. Un vent de nostalgie souffla sur la forêt et alors qu’Aquarelle trouvait que Kali semblait bien sage et bien élevé pour un louveteau solitaire de son âge, elle se rendit compte qu’elle n’avait pas le cœur à le laisser ainsi, tout seul, dans cette forêt. Non, elle ne voulait pas être séparée de lui. Pas tout de suite.

Alors, toujours de sa voix douce et bien veillante, la louve noire prit la parole :
- Tu sais quoi Kali ? Toi et moi, on va rester ensemble, et je vais te garder en attendant qu’on retrouve ta maman etets te débrouiller comme un petit chef !

Aquarelle sentait comme un élan maternel l’envahir. Elle le trouvait si mignon, ce bout de chou !
Le petit Kali se releva, et à nouveau, ses prunelles virent trouver les siennes.
" Tu me fait penser à ma maman... Elle aussi est très gentille et très douce... Je t'aime beaucoup !

La louve noire se senti profondément touchée par les paroles du jeune louveteau brun. Elle le contempla d’un regard attendri, alors que toutes ses résolutions, plus puissantes que jamais, lui revenaient sans cesse en mémoire. Oui, elle prendra congé des Ermites, et travaillera à son propre compte. Si l’envie lui prend de se lier d’amitié avec d’autres loups en provenance des trois Grandes Meutes, alors soit, qu’il en soit fait ainsi, rien ni personne ne l’en empêchera. Elle a le droit de faire ses propres choix, et saura en assumer les conséquences elle-même. Elle était assez grande, maintenant.

Une douce pression s’exerça sur ses flancs. En baissant la tête, Aquarelle vit que le petit vagabond s’était lové contre elle, et resta quelques temps ainsi, sans oser bouger ni parler. Doucement, Aquarelle frotta son museau contre celui de Kali, avec une infinie douceur.
Il releva alors la tête, et demanda, d’une petit voix mal assurée :
" Je peux t'appeler " Maman " ? "

D’abord choquée, Aquarelle ne répondit rien, parce qu’elle ne s’y attendait vraiment, mais vraiment pas du tout. Dubitative, la femelle noire n’était pas prête à prendre ce genre de responsabilité. Cependant, elle n’avait pas le cœur de refuser cela à Kali, ce petit qui n’avait sans doute pas croisé d’autres loups depuis de nombreux jours. Et puis, Aquarelle avait eu l’occasion de croiser Zarys, le nouveau solitaire qui vivait en territoire Shadow. Elle s’était renseignée, et savait que le jeune mâle, abandonné par sa mère, avait dû survivre tout seul, alors qu’il n’était pas sevré et était grièvement blessé. Il avait survécu sans l’aide de personne, et aigri par la solitude et le sentiment d’abandon, était devenu un dangereux personnage, hautain, égoïste, sadique et méprisant.
Elle ne voulait pas que Kali devienne un loup de ce genre. S’il était trop tard pour Zarys, lui avait encore sa chance. Il était sauvable. La solitude ne l’avait pas encore attrapé.
- D’accord, fit-elle. En attendant de retrouver tes vrais parents, tu peux m’appeler comme tu veux.

Aquarelle le senti se blottir encore plus près d’elle, et elle su qu’elle avait fait le bon choix. Comme pouvait-elle laisser un petit être si pur et innocente seul, sans aide ? Des démons sans foi ni loi comme Zarys, le Kô s’en passerait bien. La louve noire avait prit sa décision. Elle allait emmener Kalo avec elle, et partagerait désormais sa vie avec ce petite bout de chou.

Elle allait employer ses connaissances, et sa relative sagesse, à éduquer le petit vagabond, en attendant de retrouver les parents du petit.
Elle se pencha vers Kali, alors qu’il lui demandait :
" On va aller où ? "

Elle lui sourit :
"On va d’abord chercher tes parents. Sais-tu où ils pourraient être ? Dans quelle meute ils étaient ?"

Le petit Kali la regarda d’un drôle d’air, cette mimique si personnelle et unique qu’il avait lorsqu’il était sérieux, et lui annonça, d’une voix neutre, mais content de pouvoir lui donner des informations :
" Non, je ne sais où ils peuvent être... Mais ils font partis des Spirits of Wind ! "

Aquarelle ne fut pas surprise. Un louveteau aussi bien élevé, proche de la nature, aussi curieux de tout et sérieux, un p’tit loup aussi intrépide, mais qui a eu la sagesse de se cacher dans un buisson pour dormir, ne pouvait venir que d’une famille de Wind. Aquarelle se leva, et se tourna vers Kali, qui regardait de nouveau les nuages, allongé sur le dos.
Elle lui dit alors :
- Bien Kali. Dans ce cas, c’est par là bas que nous allons. Au camp des Winds, chercher tes parents.

Et elle se mit en route. Prête à raccompagner ce petit vagabond solitaire chez les siens, où sa famille l'attendait déjà.