Alaska marchait sur la grève, songeuse. Sans avoir besoin de se retourner, elle se doutait qui son compagnon la suivrait. Ou du moins elle l'espérait. Dernièrement, leur relation n'était plus ce qu'elle était, par sa faute. Elle ne pouvait rêver mieux que Whitefang comme compagnon, pourtant elle s'était montrée distante, froide, et taciturne avec lui. Parce qu'elle avait mal. Parce que le passé lui coûtait à chaque pas qu'elle faisait, elle s'était isolée, renfermée dans une bulle. Ses petits, sa famille, sa Meute, elle avait tout mis entre parenthèse, pour essayer d'oublier. Mais ça n'avait pas marché, ça ne pouvait pas marcher, et elle s'en voulait. La louve savait que la douleur ne disparaîtrait jamais, elle le savait depuis longtemps, mais elle avait espérée. Alors même que le loup mexicain l'avait aidé à porter ce passé si douloureux pendant un temps, elle s'était éloigné de lui. Elle l'avait laissé tomber en lui laissant un peu de son fardeau. Et c'était indigne d'elle.

Alaska aurait volontiers arraché de pans de ciel pour mettre à nu les Ancêtres, leur dire tout ce qu'elle portait sur le cœur, combien elle les haïssait, combien elle leur en voulait, mais c'était impossible. Hors de portée. Comme tout ce qu'elle avait presque toujours souhaité. Mais elle avait Whitefang, et sa famille, et c'était sans doute la seule chose pour laquelle elle était redevable aux Ancêtres. Mais au plus profond d'elle-même, Whitefang était un cadeau de Sidka et Nebraska. Parce qu'elle ne leur en voulait pas. Parce que ses deux mères avaient toujours tout donné pour elle. Simplement, les Ancêtres avaient décidé de les lui reprendre vite, bien trop vite.

Alors même que l'eau venait doucement lécher ses griffes, que le sable s'effaçait sous ses pas, la louve de neige grimpa sur le rocher le plus proche, et marcha jusqu'au bord. Là, l'eau était translucide, animée de quelques vaguelettes seulement. Alors, redressant la tête, le museau ruisselant de larmes qui venaient se mêler à l'eau salée en tombant, Alaska poussa un long hurlement, doux, profond, qui traduisait toute sa douleur et toute sa peine, et qui faisait vibrer son cœur.

Un léger bruit de patte. Et puis une voix, qu'elle aurait reconnue parmi tant d'autre.

- Alaska?

Cette dernière baissa la tête. Elle était contente qu'il soit venu, mais elle ne savait pas comment lui dire. Pas comment lui expliquer. Tout. Elle ne se retourna pas. Pas tout de suite. Elle scruta la mer, les yeux vides. Elle se sentait creuse, comme une coquille, comme un fantôme. Perdue, elle ne savait plus quoi faire. Elle aurait tellement voulu mêler son esprit à celui de son compagnon, qu'il comprenne, parce qu'elle n'avait pas de mots pour lui expliquer, mais c'était impossible. Comme tant d'autre chose. Alors, baissant la tête, les larmes dévalant son museau pour aller s'écraser sur le rocher, elle murmura simplement :

- Je suis désolé.

Elle l'aimait, vraiment, et aurait tout fait pour lui. Mais elle ne savait pas par où commencer, elle ignorait. Parler n'avait jamais été son fort. Petit, elle discutait avec sa mère, mais sa mère était partie trop tôt, comme Nebraska, et elle s'était retrouvée toute seule, sans personne avec qui parler, pendant des années. Alors elle n'avait pas parlé.

[c'est court, mais j'epsère que ça te va quand même ]

Whitefang s'assit à côté d'elle, le regard fixé au loin. Sans un mot. Etait-il fâché ? La détestait-il ? Bientôt, il posa sa tête sur celle de sa compagne, de même que sa patte, et Alaska crut fondre devant tant de chaleur. Au fond, elle l'aimait plus que tout, et chaque moment intime passé avec lui le lui rappelait.

-Ce n’est pas grave, j’ai aussi ma pars de responsabilité dans cette affaire. Je n’ai pas été très présent, ni pour toi, ni pour les louveteaux… J’en suis vraiment désolé…

Non. Non, il n'avait pas sa part de responsabilité. Parce que s'il avait été distant des louveteaux, et d'elle, c'est parce qu'elle-même s'était éloignée. Parce qu'elle même avait refusée son aide, et l'avait repoussée. Elle, Alaska. Sa compagne de toujours. D'une voix brisée, elle murmura en plongeant son regard azur dans celui topaze de son compagnon :

- Non, Whitefang. Ce n'est pas Toi. C'est Moi. J'ai tout gâché. Nos louveteaux se détestent, Aloe et Imalys s'éloignent sans cesse de nos valeurs. La Meute a souffert par ma faute, et nombre de loups sont blessés, mutilés ou mort parce que j'ai été aveuglée par mon orgueil. Je n'ai cessé de penser à Sharka, uniquement à elle, et à cause de ça, j'ai tout gâché.

Elle s'en voulait, mais plus que tout, elle en voulait à Sharka de la faire tant souffrir, parce que si sa demi-soeur avait acceptée dès le début de se battre, sans refuser la violence d'un combat, alors tout cela ne serait pas arrivée. Certes, l'une d'entre elles serait morte, mais c'était le prix à payer. Un loup reste un loup. Et ces discours, ces accords fatiguaient Alaska.

-Tu n’as absolument rien gâché. C’est nous qui t’avons suivis au combat, nous étions libre d’accepter ou de refuser de nous battre, mais nous l’avons fait. Les loups morts au combat sont morts en loup libre et avec une mort honorable. Mais je comprends ce que tu ressens, j’ai aussi eu des doutes à la fin de cette guerre, je me suis longtemps demander si j’avais pris les bonnes décisions dans cette bataille. Sharka est encore vivante et Mòrrigan aussi, on a pu prouver en les gardant en vie que les Shadow n’était pas les bêtes sanguinaire que les Fire décrivent, nous sommes des loups fiers et libre, prêt à ce battre pour nos conviction et notre meute.

Alaska chercha un argument à avancer, mais elle n'en trouva pas. Pas qui s'opposait à la théorie de son fidèle compagnon. Au fond, il avait raison. Les Shadows l'avaient fait parce qu'ils étaient libre, du moins elle l'espérait. Peut-être qu'elle ne les avait pas assez regardé, peut-être qu'elle aurait vu qu'ils n'avaient pas changés, même après une défaite, même après la mort de certains de leurs compagnons. Peut-être qu'ils seraient partis, qu'ils auraient quittés ce monde de brute. Mais ils étaient restés, et c'était la plus belle preuve de fidélité qu'on puisse amener. Pour la première fois depuis qu'ils étaient là, Alaska plongea son regard azur, encore plein de larme, dans les yeux ambre de Whitefang. Elle l'aimait, plus que tout, et priait pour qu'il reste toujours à ses côtés, quoi qu'il advienne. D'une voix tremblante, elle chuchota :

- Je suis désolé. Je suis perdue, Sidka et Nebraska me manque. J'en veux à Sharka des rumeurs qu'elle soutient. J'ai peur, Whitefang. J'ai peur de l'avenir. De ce qu'il va advenir de nous. De nos petits. Des Shadows. Et j'ai peur de ne pas réussir à me relever. J'ai mal, Whitefang. Mon passé me coûte sans cesse...

Avec quelques paroles, elle venait de lui ouvrir son Coeur, comme elle l'avait rarement fait, et même si cela n'était pas explicite pour un loup inconnu, Whitefang saurait décoder ces quelques mots. De même que ce qu'elle murmura en collant son museau dans le coup du petit loup mexicain :

- Je t'aime, Whitefang.

[Pas de soucis ]

La voix de Whitefang tremblait quand il déclara :

-Personne ne pourra te vaincre, toi et moi nous allons mourir ensemble, endormi coller l’un contre l’autre dans notre antre dans une bonne dizaine de lunes. C’est comme ça que la mort va nous séparé. Pas autrement.

Alaska lui sourit. Lui parler avait apaisé son esprit, et tout semblait plus calme. Elle parvenait enfin à sortir la tête de l'eau. Elle s'en voulait de faire peur à son compagnon, mais elle voulait qu'il soit prêt. Prêt à la voir partir, sans chercher à la retenir, parce qu'au fond, ce serait le mieux pour elle. Elle serait heureuse là-haut, et veillerais à jamais sur sa famille, aux côtés de Nebraska et de Sidka. Mais elle n'ajouta rien de plus, se collant simplement contre son compagnon, avant de murmurer :

- Je crois que nous devrions rentrer.

[Honte à moi pour la fin On lock ? C'était vraiment chouette ]